Vers un temps de travail plus flexible
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par
CaptainListe
le 21/02/2012 à 23:02
Présent très largement dans l’administration publique depuis de nombreuses années (1),
l’« horaire individualisé » ou « horaire mobile » est également de plus en plus présent dans les entreprises du secteur privé et de plus en plus visible via les conventions collectives de travail suite à l’entrée en vigueur de la loi du 8 mars 2002 (2).
Après avoir exposé le cadre légal de l’horaire mobile, nous présenterons les conventions collectives de travail de branche y faisant référence puis les avantages mais aussi les limites de ce système d’organisation flexible du temps de travail.
Le cadre légal de l’horaire mobile
La loi du 8 mars 2002 définit l’horaire mobile comme étant un « système d’organisation du travail qui permet d’aménager au jour le jour la durée et l’horaire individuel de travail dans le respect tant des limites légales de la durée du travail que des règles à établir dans le cadre du règlement de l’horaire mobile ». Cette disposition a été intégrée à l’article L. 211-7 du Code du travail. Le règlement d’horaire mobile prévoit ainsi des plages fixes où le salarié doit être présent sur son lieu de travail et des plages mobiles où sa présence n’est pas obligatoire. Ces dernières se situent en début et en fin de journée mais également à l’heure du déjeuner, permettant ainsi au salarié d’aménager sa pause de midi en toute autonomie.
L’article L.211-7 du Code du travail prévoit également que la durée du travail ne peut excéder, sauf exceptions légales, 10 heures par jour et 48 heures par semaine. Ainsi, est-il possible avec l’utilisation d’un horaire mobile de déroger à la durée dite « normale » du travail, énoncée à l’article L. 211-5 du Code du travail, de 8 heures par jour et 40 heures par semaine. Cette « durée normale » devra cependant se retrouver sur une moyenne d’heures travaillées au cours d’une période prédéfinie appelée « période de référence ». Celle-ci est légalement de 4 semaines, respectivement un mois (3), la convention collective applicable pouvant réduire cette durée ou l’allonger pour une durée maximum de 12 mois (4).
Les dispositions relatives à l’horaire mobile ont été introduites dans la législation par la loi du 8 mars 2002 précitée modifiant et complétant la loi 12 février 1999 concernant la mise en œuvre du plan d’action national en faveur de l’emploi (ci-après, loi PAN). Cette dernière a introduit une obligation pour les entreprises d’établir un plan d’organisation du travail (ci-après, POT) dès lors que le temps de travail hebdomadaire se calcule sur une période de référence prédéfinie. La loi de 2002 a assoupli ce système en prévoyant la possibilité de substituer au POT un règlement d’horaire mobile, celui-ci existant alors dans certaines entreprises et se révélant parfois être plus adapté à certaines d’entre elles (5).
L’horaire mobile dans les conventions collectives de travail de branche (6)
La loi PAN a introduit, parallèlement à ces dispositions, l’obligation pour les conventions collectives de contenir les résultats des négociations devant porter obligatoirement, parmi d’autres thématiques également obligatoires, sur l’organisation du temps de travail, et notamment sur les périodes de référence(7).
Sur les 30 conventions collectives de branche déclarées d’obligation générale (8), 16 prévoient une période de référence relative au calcul de la durée hebdomadaire de travail (9). Parmi celles-ci, 3 prévoient un système d’horaire mobile : le secteur bancaire (10), le secteur des assurances (11), le secteur d’aides et de soins et le secteur social (12).
Considérant les conventions collectives du secteur bancaire et du secteur des assurances, elles sont assez proches dans le contenu et la finalité. Un système à horaire fixe (8 heures par jour et 40 heures par semaine) ainsi qu’un système à horaire flexible (horaire mobile) sont prévus par les conventions, au choix de la compagnie d’assurance et de la banque. Considérant l’horaire mobile, il est lié à une période de référence d’un semestre, soit une durée relativement longue par rapport à la durée légale (cf. supra).
La convention collective du secteur d’aides et de soins et du secteur social prévoit, quant à elle, un système d’aménagement du temps de travail différent. La période de référence est mensuelle et s’applique à tous les établissements, le système d’horaire mobile est un système possible, alternatif au système de plan de travail initial.
Avantages et limites du règlement d’horaire mobile
En France et en Allemagne, les horaires individualisés ont été introduits dans un premier temps pour éviter une trop grande concentration de salariés aux entrées des entreprises et pallier les difficultés liées au trafic automobile (13). Aujourd’hui synonyme d’une plus grande liberté accordée au salarié, ils permettent à celui-ci d’organiser sa journée de travail en fonction de contraintes extérieures ou de ses obligations familiales (rendez-vous médicaux ou administratifs, enfants à déposer en crèche ou à l’école, etc.) mais également en fonction de sa charge de travail. En ce sens, l’horaire mobile présente également des avantages pour l’employeur. En période de forte activité notamment, le salarié pourra travailler jusqu’à 10 heures par jour sans paiement d’heures supplémentaires. Ces heures d’activité supplémentaires seront récupérées par la suite par le salarié qui effectuera des journées de travail plus courtes, d’une durée inférieure à 8 heures. De plus, ce système a permis une baisse de l’absentéisme (14), favoriserait le bien-être au travail des salariés et accroîtrait la productivité (15).
Il faut cependant noter que cette liberté accordée au salarié dans le choix de ses horaires n’est pas totale. L’article L. 211-7 (2) § 3 du Code du travail précise en effet que si ce système permet au salarié « d’aménager au jour le jour la durée de travail journalière selon ses convenances personnelles », celui-ci doit cependant respecter les « besoins de service et [les] désirs justifiés des autres salariés ». Ainsi, l’utilisation de l’horaire mobile n’est pas un droit « absolu » pour le salarié. Celui-ci devra ainsi compter avec son environnement de travail concernant les tâches à effectuer et les désirs de ses autres collègues, le chef de service pouvant ainsi contraindre le salarié dans l’organisation de son temps de travail via l’horaire mobile.
Si seulement 3 conventions collectives de branche déclarées d’obligation générale mentionnent la possibilité de recourir à l’horaire mobile, il faut noter qu’il s’agit de secteurs importants considérant le nombre de salariés couverts (banque, assurance, secteurs social, d’aide et de soins). De plus, il n’est pas étudié ici les conventions de branche non déclarées d’obligation générale ainsi que les conventions d’entreprises.
Ce mode d’organisation flexible du temps de travail ne pourra, de toutes les façons, jamais être généralisé à toutes les entreprises car il reste de facto réservé à une certaine catégorie de salariés partiellement autonomes et plus ou moins indépendants quant aux relations avec le public.
Fanny Etienne
Axe de recherche Négociation collective et politiques de l’emploi
[email protected]
CEPS/INSTEAD
(1) Voir notamment le règlement grand-ducal du 13 avril 1984 portant fixation de la durée normale de travail et des modalités de l’horaire mobile dans les services de l’Etat, Mémorial 1984 A, n° 35, p. 491.
(2) Loi du 8 mars 2002 portant révision de la loi du 12 février 1999 concernant la mise en œuvre du plan d’action national en faveur de l’emploi, Mémorial 2002 A, n° 37, p. 632.
(3) Article L. 121-6 du Code du travail.
(4) Article L. 211-8 du Code du travail.
(5) Codifié à l’article L. 211-7 (2) du Code du travail.
(6) Sont ici seulement étudiées les conventions de branche déclarées d’obligation générale.
(7) Article L. 162-12 (4) 1. du Code du travail.
(8) Sont incluses la convention collective applicable aux travailleurs intérimaires des entreprises de travail intérimaire ainsi que la convention collective des hôteliers, restaurateurs et cafetiers du 20 janvier 1976 dont le temps de travail est actuellement réglementé par le Code du travail (articles L. 212-1 à L. 212-10).
(9) Agents de sécurité ; Brasserie ; Electriciens ; Ascensoristes ; Menuisiers ; Peintres ; Pharmaciens ; Cinémas ; Métiers de couvreur, charpentier, ferblantier et calorifugeur ; Ouvriers de l’Etat ; Transport et logistique ; Transport de marchandises par route ; Chauffeurs d’autobus privés et salariés auxiliaires des entreprises d’autobus privés ; Banque ; Assurance ; Secteur d’aides et de soins, et secteur social.
(10) Convention collective de travail pour les salariés de banque, Mémorial 2011 A, n° 222, p. 3818.
(11) Convention collective de travail des salariés du secteur de l’assurance, Mémorial 2010, n° 154, p. 2634.
(12) Accord en vue de la modification et du remplacement des conventions collectives de travail pour les employés et les ouvriers du secteur d’aide et de soins, et du secteur social, Mémorial 2010, n° 251, p. 4530.
(13) J.E. Ray, Les accords sur le temps de travail, Droit social 1988, p. 101.
(14) Ibid.
(15) Amélioration des conditions de vie dans l’entreprise, rapport du C.O.D.E.S.E., ed. hommes et techniques, 1980, p. 169 et Liaisons sociales n°129/80 du 5 novembre 1980, cités dans J. Pelissier, Les horaires individualisés, Droit social 1981, p. 554.
(Article publié dans le numéro 51 d’Entreprises Magazine, janvier-février 2012.) |
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