C’est le débat du moment… et sans doute des mois (et années ?) à venir : que doit faire le Luxembourg de son système retraite ? En effet, l’arrivée bientôt d’un nombre important d’actifs à l’âge de la pension vieillesse et donc des dépenses inédites pour la Caisse nationale d’assurance-pension (CNAP) fragilise le système actuel. Les syndicats OGBL et LCGB estiment qu’il n’y a pas d’urgence à réformer (les réserves étant encore conséquentes) ; d’autres voix alertent sur une urgence à décider de nouvelles orientations et le Premier ministre vient d’annoncer qu’il se donnait certainement deux ans pour agir

Alors qu’une nouvelle phase de discussion a débuté depuis quelques semaines la Fondation Idea a décidé de produire une série d’analyses sur le sujet. Deux viennent d’être publiées en ce mois de décembre, deux autres suivront début 2025. Et déjà le think tank de se déclarer favorable à des mesures rapides.

Et si Vincent Hein, directeur de la fondation, et l’économiste Muriel Bouchet plaident pour des changements express, c’est que « la procrastination aurait un coût supérieur à l’action ». Autrement dit, (ré)agir aujourd’hui sera peut-être douloureux sur le coup mais bien moins que demain.

Un calendrier capital

Pour Idea, si le système de pension luxembourgeois repose encore sur une réserve de 27 milliards d’euros (en augmentation même de 2,8 milliards en 2023), celle-ci va bel et bien fondre comme neige au soleil. Et son niveau va vite devenir inférieur au niveau de 1,5 fois le montant des dépenses qu’exige la loi.

Car le chiffre de 223.000 retraites financées aujourd’hui va bondir dans les années à venir. De plus, l’allongement de la durée de vie va entraîner des dépenses à plus longs termes. Et si le nombre de bénéficiaires croît, celui des actifs cotisants progressera à moindre rythme… Alors, la réserve fera bien effet un temps, mais pas éternellement.

En 2026 ou 2027, le système sera ainsi en déficit. Une première ! Selon Idea, le calendrier de mise en œuvre d’une quelconque réforme sera alors terriblement important. « Plus les réformes seront introduites tardivement, plus les prestations seront affectées », estiment ces économistes. Sachant que “rapide” dans leur bouche se traduit par  « dès la période 2025-30 ».

Réduire de 12% contre 29% les rentes

Pour maintenir le système à flot (en conserver une réserve de 1,5 fois le niveau de dépenses) en agissant rapidement, cela reviendra à réduire les prestations de – 12%, a calculé la Fondation. Une baisse déjà difficile à faire admettre. Mais agir à retardement reviendrait là encore à une diminution des rentes, mais de -29% cette fois. Hypothèse encore moins supportable. « En 2050, la pension moyenne excèderait celle résultant de l’attentisme de 24%. Soit environ 5.000 euros de différentiel par an pour une pension moyenne », souligne Vincent Hein.

Ce calcul basé sur une croissance de +2% sur la séquence 2024-2050 et avec les projections démographiques actuelles (population, employés). Dans son analyse, Idea a aussi tablé sur une réforme ne jouant que sur le niveau de dépenses et non sur une possible augmentation des recettes. Selon la Fondation, demander plus de cotisations aux salariés, fonctionnaires et aux entreprises est une ligne « peu réaliste dans un contexte luxembourgeois »…

Idea invite donc le gouvernement à bien réfléchir au « timing crucial » de sa réforme. Ne rien décider dans les temps à venir reviendrait à laisser pourrir une situation financière des réserves de la CNAP. Cela pourrait alors déboucher sur un « tsunami budgétaire » rapidement, et la nécessité de réagir dans la précipitation du chaos. Un « ajustement brutal qui s’apparenterait à du “football panique” dans une génération », imagine Vincent Hein. La partie ne fait que commencer…

 

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