C’est une révolution d’un jour, mais quelle journée pour le Portugal! Le 25 avril 1974, un putsch militaire allait permettre à la démocratie de s’installer du côté de Lisbonne. Mais la question qui préoccupe actuellement Isabelle Maas et Régis Moes, c’est de savoir comment la fin de la dictature a été vécue au Luxembourg et particulièrement par la communauté portugaise.

Voilà maintenant un an que les historiens travaillent sur le sujet qui, au printemps 2024, fera l’objet d’une grande exposition au Musée national d’histoire (MNAHA). « Cette histoire là est forcément intimement lié à celle du Grand-Duché, car à partir des années 60 le nombre de Portugais et de familles ayant des attaches avec le pays ou ses colonies va exploser, avec les accords de main d’œuvre. Si en 1939, on ne comptait officiellement que 3 Portugais au Luxembourg, à l’heure de la révolution des Œillets, ils sont plus de 6.000 », notent les deux commissaires.

Alors forcément, même à 2.000 km de distance, la chute de la dictature n’est pas passée inaperçue plus au nord. « Le 11 mai 1974, par exemple, il y a eu une manifestation contre le consul en place au Luxembourg, il représentait trop l’Estado Novo et le pouvoir salazariste. » Mais la situation politique portugaise a rejailli bien au-delà et bien en avant sur la vie locale.

Un Cuba européen ?

Si nombre de jeunes gens ont choisi de quitter, plus ou moins légalement, leur pays c’est aussi pour échapper à une situation économique désastreuse, un système scolaire sous-développé, une censure omniprésente dans des années où le bouillonnement des idées agite le monde. « Il est difficile de dire si la communauté portugaise a soutenu le mouvement de contestation mais les arrivées au Luxembourg ont grandement été poussées par le rejet de la situation au pays. Et notamment de la part d’une jeunesse qui se voyait mal passer quatre ans sous l’uniforme. Car, alors, le Portugal s’enlise militairement pour ne pas perdre ses colonies réclamant l’indépendance (Angola, Guinée, Cap Vert…) et a allongé la durée du service militaire. Cela va jouer sur cette migration porto-luxembourgeoise

Du côté de la Chambre des députés, peu de débats auront lieu sur le changement de régime. Le Grand-Duché renouvelant ses accords économiques avec le nouveau pouvoir. Dans la classe politique, alors que Gaston Thorn dirige le premier gouvernement sans présence du CSV, on regarde la situation avec le prisme de la Guerre froide. Idem pour les “forces de gauche” du Luxembourg.

« L’idée étant de savoir si les putchistes allaient devenir “les idiots utiles du communisme”, comme l’a écrit un grand titre de la presse luxembourgeoise. Certains voyaient déjà s’installer là-bas un Cuba européen… » Il n’en sera rien : la social-démocratie qui sortira des urnes en 1975 et le fait que le Portugal reste dans l’Otan soulagera bien des craintes. Et à l’avenir, le Luxembourg sera un partenaire fiable et un soutien actif pour que Lisbonne intègre la Communauté européenne, en 1986.

Cinquante ans après la révolution des Œillets, voilà donc le Musée national prêt à s’emparer de l’Histoire et… des histoires surtout. « Nous sommes maintenant à la recherche de documents, d’objets qui nous permettent de présenter la réalité de celles et ceux qui sont venus au Luxembourg en laissant le Portugal derrière eux dans ces années 60-70. Notre exposition ne sera pas que des dates mais surtout du vécu! », insistent les deux historiens.

D’où un appel à recevoir journaux, vieux postes de radio, valises, tout ce qui faisait le paquetage des migrants, les anciens contrats de travail, les billets de transports, les passeports d’époque, etc. « Mais surtout, nous aimerions avoir des témoignages d’hommes et de femmes qui ont traversé cette période, ces événements, cette intégration. Des récits que nous pourrions présenter à nos prochains visiteurs », encouragent Isabelle Maas et Régis Moes.  Les premiers contacts peuvent d’ores et déjà s’établir par mail ([email protected]) ou via les réseaux sociaux du musée (Instagram ou Facebook).

 

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