« Plus de la moitié des Luxembourgeois ne sont pas religieux »
Publié
par
Yves Greis
le 04/11/2024 à 15:11
Lorsqu’il a été annoncé que le pape François se rendrait au Luxembourg, l’Alliance des humanistes, athées et agnostiques du Luxembourg (AHA) n’a tout d’abord pas souhaité s’exprimer à ce sujet. L’association ne voulait pas donner plus d’attention à la visite de haut niveau. Mais lorsqu’il est devenu clair que la presse allait en parler abondamment, elle a modifié son opinion et a publié un communiqué de presse en collaboration avec Liberté de Conscience. Ainsi, on pouvait lire l’interrogation sur les réelles motivations de la venue du pape, qui n’était officiellement au Luxembourg qu’en tant que chef d’État du Vatican. Finalement, la visite du pape a certes attiré des spectateurs, mais de loin pas les masses que l’on avait imaginées à l’avance.
« Ce narratif selon lequel le Luxembourg est un pays catholique s’effritait déjà avant la création de notre association en 2010 », explique Bob Reuter, président de l’AHA. « Petit à petit, la société est devenue de plus en plus laïque ». Depuis longtemps, les Luxembourgeois avaient cessé de prier quotidiennement et d’aller à la messe chaque semaine. « Beaucoup de catholiques ne se présentent plus que deux fois par an, lors d’une fête particulière, comme Pâques ou Noël », poursuit Bob Reuter.
Cette tendance a été en partie cachée parce que le CSV a été au gouvernement pendant des années et a donné l’impression à l’extérieur que le Luxembourg était aussi un pays chrétien sur le plan politique, estime Bob Reuter. Le plus grand quotidien luxembourgeois – le Luxemburger Wort – a lui aussi longtemps été détenu par l’Eglise. Des sondages montreraient aujourd’hui que plus de 50 % des habitants du Luxembourg se définissent comme non religieux. Parmi ces 50 %, certains se considèrent toutefois comme catholiques. « Il s’agit donc souvent plus d’une appartenance culturelle », explique le président de l’AHA.
Séparation accomplie
Le Luxembourg a officiellement réalisé la séparation entre l’Église et l’État (de 2015 à 2018 environ). « En écoutant le discours de Luc Frieden lors de la visite du pape, on peut conclure que cette séparation est également arrivée au CSV (qui porte tout de même le C dans son nom comme Chrétien) », se montre positif Bob Reuter. « J’ai trouvé remarquable qu’il ait dit que le Luxembourg était un État laïc. D’un autre côté, il a aussi dit que l’Eglise était encore une instance morale ». A cet égard, Bob Reuter se demande si l’Eglise catholique, avec tous ses scandales, est vraiment un si bon modèle auquel les gens devraient se référer et, dans les faits aussi, beaucoup de gens s’orientent probablement vers d’autres valeurs, celles des Lumières et de l’humanisme.
Trouver des réponses politiques à toutes les questions de la vie sans passer par la religion n’est pas toujours facile, admet Bob Reuter, mais « la lutte politique pour trouver des réponses est un travail qui doit être fait. Personne ne peut le faire à notre place ». Les prophètes qui prétendent connaître toutes les réponses ne font que tromper les gens. Au Luxembourg, la politique serait aujourd’hui déterminée par des processus démocratiques et non par une doctrine religieuse : « Un Premier ministre chrétien ne va pas non plus chercher son orientation politique auprès de l’évêque ».
Luxembourg, un pays d’immigration
Le Luxembourg est un pays d’immigration et de nombreux immigrés apportent naturellement leur religion au Grand-Duché – qu’ils soient musulmans, bouddhistes ou autres. « On parle beaucoup de l’islam. En Allemagne, on parle parfois d’une inondation. Mais ce n’est pas le cas au Luxembourg puisque moins de 5 % se déclarent musulmans », ajoute Bob Reuter. « On ne peut donc pas dire qu’ils sont nombreux ».
Reuter s’inquiète en revanche davantage d’un certain nombre d’églises évangéliques au Luxembourg, qui ciblent particulièrement la communauté portugaise. Souvent, ces cultes s’adresseraient à des personnes qui se sentent isolées dans la société luxembourgeoise et qui sont particulièrement vulnérables – et ce par le biais de messages lancés en français et en portugais. « Mais je suis sceptique quant au fait qu’il s’agisse vraiment d’aider les gens », explique Bob Reuter.
La presse luxembourgeoise avait rapporté que de nombreuses personnes au Luxembourg avaient profité de la visite du pape pour quitter l’Eglise. AHA peut le confirmer. S’il y a en moyenne 3 départs par dizaine de jours, il y en a eu 31 à la connaissance d’AHA lors de la visite du pape, soit 10 fois plus. Au Luxembourg, il n’y a pas de procédure officielle pour cela, comme en Allemagne par exemple. Les non-croyants doivent envoyer une lettre recommandée à l’église pour l’informer de leur départ. L’association met à disposition des formulaires à cet effet et demande aux personnes de la tenir au courant de leur démarche.
« Il est toutefois difficile de savoir combien il y a de membres l’Église catholique au Luxembourg ». Il n’existerait pas de liste officielle. « En quittant l’Eglise et en nous le faisant savoir, les gens rendent visible à l’extérieur que le soutien à l’Eglise dans la société diminue », poursuit le président de l’AHA.
Ce week-end, c’était la Toussaint et dans quelques semaines, ce sera Noël. Des fêtes religieuses importantes pour les chrétiens. Comment les athées et les agnostiques y font-ils face ? En tant que personne non croyante, la Toussaint est une bonne occasion de se souvenir de son caractère éphémère. Tout particulièrement si l’on ne croit pas à la vie après la mort. « Et si nous sommes honnêtes, il y a longtemps que Noël n’est plus une fête religieuse pour la plupart des gens. On se rencontre, on mange ensemble et on parle ». Mais en fin de compte, c’est à chacun de décider s’il veut y participer, selon le président de l’AHA, Bob Reuter.
Pour laisser un commentaire veuillez vous connecter ou inscrivez-vous.