Le code pénal luxembourgeois a été créé en 1810. C’était il y a longtemps et beaucoup de choses ont changé depuis. La mendicité et le vagabondage étaient alors considérés comme des comportements qui remettaient en question les valeurs morales. Un tel comportement ” répréhensible ” ne pouvait pas être toléré du point de vue de l’époque.

Cette idée est remise en question depuis un certain temps déjà. Après la Seconde Guerre mondiale en particulier, on est arrivé à la conclusion que le fait qu’une personne ne soit pas sédentaire ne devait pas être puni. Dans un projet de loi de 1987, le ministre de la Justice de l’époque écrivait : « Dans une société pluraliste fondée sur le respect des autres, tous les modes de vie doivent pouvoir être acceptés, même s’ils ne correspondent pas à l’idéal propagé par les classes qui se disent dirigeantes ». Surtout aussi, selon l’opinion de l’époque, parce que de nombreuses personnes qui mènent une telle vie ne l’ont pas choisie. Le projet de loi de l’époque n’a d’ailleurs jamais été voté au Parlement.

Actuellement, le Parlement prévoit, par le biais d’une réforme législative, de supprimer la pénalisation de toutes les formes de mendicité actuellement contenues dans le code pénal. Toutefois : une nouvelle infraction devrait être créée. Il s’agit de la ” mendicité agressive “. Et c’est justement ce point qui dérange la Commission consultative des droits de l’homme dans un avis sur le projet de loi qu’elle a présenté vendredi , le 14 mars 2025.

Une définition vague

D’une part, la définition que la loi donne de la ” mendicité agressive ” serait très vague. Elle énumère quelques circonstances qui doivent être considérées comme de la mendicité agressive. C’est le cas lorsque des mendiants bloquent ou rendent difficile le passage d’une personne, la poursuivent ou la touchent ou la retiennent dans le but d’obtenir un don. Le fait de crier sur une personne ou de tenir ouverte la porte d’une maison d’habitation dans le même but doit également être considéré comme de la mendicité agressive.

Mais tout cela est trop imprécis et incomplet et laisse une grande marge d’interprétation, déplore la Commission des droits de l’homme. Elle estime que ce manque de précision, combiné à une perception subjective et peut-être à des préjugés, peut conduire à des jugements injustes. Elle demande donc une description beaucoup plus précise et même une liste de comportements considérés comme de la ” mendicité agressive “.

Les experts en éthique se demandent en outre si une telle réglementation est vraiment nécessaire. Après tout, il existe déjà des lois qui punissent les agressions contre les concitoyens. La commission estime que cela pourrait renforcer les stéréotypes, notamment à l’encontre des personnes en situation précaire. La Commission estime également avoir constaté une augmentation de la politique répressive du gouvernement et s’inquiète pour les droits de ces personnes.

La commission voit également des problèmes de proportionnalité des peines. « Le nouveau délit prévoit une peine d’emprisonnement de 15 jours à 2 ans et une amende de 251 euros à 3.000 euros. Cette sévérité semble pourtant disproportionnée par rapport à la nature de l’infraction ». La Commission des droits de l’homme se demande aussi comment un mendiant peut réunir la somme de 3.000 euros.

La Commission voit également un lien avec la traite des êtres humains. Le principe selon lequel les victimes de la traite ne doivent pas être punies doit continuer à s’appliquer. La nouvelle loi, si elle entre en vigueur, pourrait dissuader les victimes de réseaux criminels – qui sont forcées de mendier – de se présenter aux autorités. Cela irait à l’encontre de l’obligation du Luxembourg de prévenir la traite des êtres humains.

Le projet de loi n’a pas encore été voté. Il se trouve sur le chemin des instances depuis juillet 2024. De nombreux avis, dont l’important avis du Conseil d’État, sont déjà disponibles.

Pour rappel, un nouveau règlement de police entré en vigueur le 15 décembre 2023 à Luxembourg-Ville interdisait la mendicité à certaines heures et dans certains lieux. Cette nouvelle règle a fait l’objet d’un débat national et a même été reprise par la presse à l’étranger. Si de nombreuses personnes ont approuvé la règle, elle a également été fortement critiquée. En fait, en l’espace d’un an (c’est-à-dire jusqu’au 15 décembre 2024), seules onze infractions ont été sanctionnées.

 

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