Le puissant syndicat de police alemand GdP a lui-même critiqué la décision de raffermir les contrôles aux frontières prises par le gouvernement depuis quelques semaines. « Force est de constater que les interceptions de personnes non autorisées ainsi que de passeurs sont relativement faibles », a déclaré son président Andreas Roßkopf. Les points de contrôle sont tout simplement contournés, a-t-il poursuivi. Le syndicaliste a également expliqué que la police manquait d’équipements pour pouvoir travailler en tant que « police de poursuite moderne ».

En fin de semaine dernière, le ministre luxembourgeois des Affaires intérieures était déjà intervenu auprès de son homologue Nancy Faeser (SPD) lors d’un échange avec celle-ci et les ministres de l’Intérieur des Länder limitrophes de Rhénanie-Palatinat et de Sarre. Léon Gloden (CSV) avait demandé alors demandé que les perturbations inutiles du trafic soient évitées aux quelque 52.000 frontaliers allemands qui travaillent au Grand-Duché.

Le passage de la frontière sur l’autoroute A64 Luxembourg-Trèves (à Wasserbillig) étant notamment au centre des discussions.

Mais ces contrôles (et les ralentissements provoqués) irritent également de très nombreux Français et Belges qui se rendent chaque jour en Allemagne pour y gagner leur pain ou y faire leurs courses. Une pétition en ligne -demandant la levée des contrôles à la frontière luxembourgeoise- a déjà recueilli plus de 1.100 signatures.

Du déjà-vu

Ces dernières années, l’Allemagne a régulièrement mis en place de tels contrôles. Par exemple, lorsque des policiers allemands ont contrôlé la frontière allemande avec le Luxembourg pendant la pandémie de COVID déjà, puis cette année à l’occasion du championnat d’Europe de football en Allemagne etdes Jeux olympiques à Paris.

En théorie, les contrôles aux frontières entre États européens ont été abolis en 1985, avec la signature des Accords de Schengen. Mais en réalité cette mesure peut être réintroduite pour une durée limitée s’il existe une “bonne raison” de le faire. Mais entre-temps, de plus en plus de politiques voient d’un mauvais œil les contrôles aux frontières de l’Allemagne. Ainsi, par exemple, l’ancien président de la Commission européenne, le luxembourgeois Jean-Claude Juncker, a déclaré au Tageblatt qu’il craignait que Schengen ne « parte à la dérive ».

L’ancien ministre des Affaires étrangères luxembourgeoise, le socialiste Jean Asselborn, a pour sa part estimé que l’Espace Schengen était bel et bien menacé. En poste dans le gouvernement Frieden, Léon Gloden s’exprime avec plus de diplomatie: « Les Accords de Schengen avec des frontières intérieures ouvertes au sein de l’UE ne doivent pas être remis en question. C’est l’acquis de l’intégration européenne. Il ne faut pas que les frontières réapparaissent dans la tête des gens ».

En réalité, les contrôles aux frontières ne font pas l’objet que de critiques. Les politiciens de droite et conservateurs voient dans ces contrôles un signal positif. Des membres du cabinet de Geert Wilders aux Pays-Bas, par exemple. Le tout nouveau ministre français de l’Intérieur, Bruno Retailleau (LR), est également intéressé par l’opération. Lui qui a annoncé vouloir faire baisser l’immigration en France. Et de déclarer : « On peut faire une sorte d’alliance avec les pays qui veulent durcir l’immigration pour revoir les textes européens qui ne sont plus du tout adaptés aujourd’hui ».

L’eurodéputé autrichien Lukas Mandl (ÖVP) semble éprouver des sentiments ambivalents. Il parle d’une « volte-face stupéfiante » du gouvernement allemand, comme le rapporte l’ARD. Depuis des années, le gouvernement allemand refusait de mettre en place une politique d’immigration européenne plus stricte, mais il voulait désormais résoudre sa crise d’image au détriment de toute l’Europe. Il a ajouté que l’Autriche n’accueillerait pas non plus les demandeurs d’asile rejetés par l’Allemagne.

Les contrôles sont prévus pour une durée de six mois. Ils devraient donc se poursuivre jusqu’au 15 mars 2025, s’ils ne sont pas prolongés.

 

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