Le soldat Frieden au rapport
Publié
par
Yves Greis
le 04/03/2025 à 17:03

« À l’avenir, les gens devront dire : en 2025, le Luxembourg était du bon côté de l’Histoire, du côté de la Liberté et du Droit international ! » Ce 4 mars, à la Chambre des députés, le Premier ministre luxembourgeois avait le ton grave. Face à une situation qui devient explosive dans le conflit russo-ukrainien, une Europe qui cherche à s’unifier, Luc Frieden a voulu clairement positionné le Grand-Duché. « Ce qui se passe en Ukraine nous concerne. Ce qui se passera en Pologne et dans les pays baltes, si rien n’est fait, nous concernera aussi…»
Quelques heures après que Donald Trump ait décidé de stopper toute aide militaire à Kiev, le Luxembourg choisit la voie opposée. En tous cas, celle qu’il a toujours suivi depuis l’invasion décidée par Moscou. Oui, le Luxembourg était un restera un soutien au peuple ukrainien et son président Volodymyr Zelensky. « Il en va de l’avenir de notre partie du monde et des principes auxquels nous croyons et pour lesquels nos parents et grands-parents se sont battus. »
Mais 80 ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale, jamais l’Europe n’a semblé autant sous tension militaire. Les Alliés d’hier semblant redéfinir leurs amitiés. Pour Lux Frieden, même avec des « moyens modestes », le Luxembourg doit faire le choix de rester fidèle à l’Ukraine. Et le chef de gouvernement d’estimer que, certes des négociations doivent être menées, mais elles n’auront de sens que si « un plan de paix durable et des garanties de sécurité » sont donnés au pays attaqué.
Pas de troupe sans mandat
Et pas question que le sort de l’Ukraine se joue sans elle, à une table des négociations où seuls Poutine et Trump décideraient du sort des nations et des populations. Et si Kiev doit avoir sa place, l’Europe aussi doit avoir voix au chapitre, estime Luc Frieden.
Engager des troupes luxembourgeoises sur le terrain du conflit ? Luc Frieden n’y est pas opposé. Mais cela ne saurait se faire que sous certaines conditions : « après la guerre (…) et si un mandat européen ou international » était défini. Pas question donc d’envoyer des forces sur le front en l’état actuel de la situation.
Si le matin la présidente de la Commission européenne avait accepté la mobilisation d’un plan exceptionnel de 800 milliards d’euros (!) pour « réarmer l’Europe », le Premier ministre luxembourgeois approuve. L’Union doit devenir plus « indépendante pour sa Défense ».
Pour y arriver, le Luxembourg ne comptera pas que sur ses “grands” voisins, mais le Grand-Duché participera à l’effort demandé. Ainsi, après s’être déjà engagé à dépenser jusqu’à 2% du Revenu national brut d’ici 2030 pour les questions militaires, le pays réhausserait ses engagements.
Luc Frieden l‘avait envisagé mi-février, il l’a redit aux parlementaires en ce début mars : l’effort financier à envisager en matière de Défense est sans doute à augmenter. Un choix qui sera plus clairement quantifiable d’ici quelques mois, certainement avant le prochain sommet de l’OTAN prévu en juin. « La Paix et la Liberté ont un prix et nous le ressentons aujourd’hui et nous le ressentirons davantage à l’avenir », a prévenu celui dont le nom signifie… Paix !
La majorité des partis politiques qui ont pris la parole à l’issue de ces déclarations partageait un même point de vue : il ne faut plus tant compter sur les États-Unis pour se protéger militairement. « Rien de ce que l’administration américaine fera dans les prochaines années ne sera dans l’intérêt de l’Europe », pressent le député socialiste Yves Cruchten.
Pour l’écologiste Sam Tanson, il faut rester plus ouvert malgré tout. Oui à faire force commune en Europe, oui à discuter avec Royaume-Uni, mais « nous devons encore dire oui à l’Amérique et non à ce mouvement antidémocratique ! ».
Dissonance à l’extrême droite
Finalement, c’est dans la bouche de l’ADR que le discours était le moins à l’unisson des positions exprimées par Luc Frieden. Pour Fred Keup : « L’ADR préfère une paix injuste à une guerre juste ». Selon lui, les (bons) sentiments ne changeraient rien au fait que le conflit armé soit bel et bien perdu par l’Ukraine.
Et le représentant du parti d’extrême droite de poursuivre : « Les Américains veulent mettre fin à la guerre et ils y parviendront probablement. C’est une bonne chose ! ». L’ADR préférerait également assister à un apaisement dans les relations avec la Russie. Reprochant au final au Gouvernement luxembourgeois de faire porter la charge financière des engagements militaires ou humanitaires à l’Ukraine sur la population qui n’approuverait pas forcément les choix de ses dirigeants actuels.
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