À la tribune de l’Assemblée nationale, le 1er octobre dernier, le nouveau Premier ministre français, Michel Barnier, a martelé que la France ferait tout son possible pour rétablir plus de contrôles aux frontières aussi longtemps que nécessaire. Et de s’appuyer sur  ce que fait l’Allemagne actuellement… Une position pas vraiment du goût des maires des grandes villes des régions frontalières. Parmi eux, le bourgmestre de Trèves, Wolfram Leibe (SPD), particulièrement préoccupé par cette situation.

Quelle est votre évaluation de ces contrôles aux portes de votre ville et votre Land, voisin du Luxembourg et de la Moselle ?

« J’avais déjà dit pendant la période Covid qu’il est totalement absurde de bloquer les frontières car virus et bactéries ne se laissent pas arrêter par la fermeture des frontières. Bien au contraire : il y avait là de jeunes policiers allemands qui forçaient les gens à baisser la vitre, mettaient le nez dans la voiture et se mettaient ainsi en danger…

Durant le championnat d’Europe de foot cet été, nous avons répété ce message, nous les quatre maires du Quattropole (Trèves, Metz, Luxembourg et Sarrebruck) : les contrôles et les blocages qu’ils entraînent étaient inutiles. Dans l’idée de nous protéger des attaques terroristes, nous l’avons supporté, mais pas accepté ! ».

Cela fait maintenant six mois que nous subissons cette mesure. Six mois, c’est une période sacrément longue. C’est pourquoi nous avons clairement dit que ce n’était pas contre nos policiers que nous opposions aujourd’hui. Selon nous, l’Europe se définit par l’ouverture des frontières. Ma fille a 24 ans et elle définit l’Europe par le fait que l’on puisse facilement y circuler. C’est l’essence même de nos accords communs. »

Quel est l’impact des contrôles sur la vie quotidien des habitants de Trèves et environs ?

« Cela nous perturbe. Nous avons appris que les frontières n’existaient plus. Les gens vont au Luxembourg pour l’emploi (52.400 navetteurs), la culture. Les Luxembourgeois et les Lorrains viennent à Trèves pour la culture et faire du shopping. Cela dérange effectivement les déplacements, mais c’est surtout un choc émotionnel.

De vieilles blessures ont été rouvertes (le grand État allemand veut dominer ses voisins). Et un nouveau danger pointe maingtenant : que la France finisse par agir de même. Pour moi, c’est inenvisageable. D’où cette supplique au gouvernement allemand : “S’il vous plaît, arrêtez, malgré tous les intérêts de sécurité !”. Et cet appel en direction de la France : “N’y pensez même pas” ».

Cette fois, la raison n’est pas un virus mais l’immigration irrégulière et l’intrusion de terroristes venus de l’étranger. Ne s’agit-il pas d’un danger plus concret qui pourrait être stoppé par ces contrôles ?

« Quel incident a eu lieu en Allemagne provoqué par un demandeur d’asile ou un migrant récemment arrivé ? Aucun. Les drames qui sont survenus ont tous étaient causé par des personnes qui étaient déjà installés dans notre pays…  ».

Ces justifications, qui figurent sur le site Internet du ministère de l’Intérieur, sont-ils alors de faux prétextes ? Juste une manœuvre pour gagner des électeurs ?

« Je vais être diplomate… Disons que je ne veux pas du tout exclure cette possibilité. Mais ce qui est important, c’est que si l’on procède à ces contrôles aux frontières, il faut évaluer en parallèle s’ils sont efficaces ou non. Les citoyens me demandent toujours ce qu’il en est du passage éventuel d’hommes dangereux via les routes secondaires. Les contrôles se trouvent sur l’autoroute, nulle part ailleurs. Les criminels passent-ils toujours par l’autoroute alors que tout le monde sait que les contrôles y sont effectués ?

Nous avons des frontières ouvertes partout. Je ne dis pas que l’Allemagne, comme le Luxembourg ou la France, ne doit pas avoir la possibilité de décider d’un contrôle. Mais les dirigeants des pays ont alors l’obligation d’évaluer l’efficacité de ce choix vis-à-vis de leurs citoyens. »

Une telle évaluation a été faite après l’Euro de foot. Un rapport qui disait combien de mandats d’arrêt avaient été exécutés…

« Si vous réfléchissez au nombre de passages de frontières et que vous faites le rapport avec le nombre de personnes qui ont été refoulées, c’est minime. Mais je ne peux évidemment pas juger de l’approche tactique de la Police. Je manque d’informations de fond à ce sujet. Tout ce que je peux dire et répéter, c’est que, de mon point de vue, cela ne résout en rien le problème de l’entrée de personnes en provenance de l’étranger. »

Avez-vous le sentiment que Trèves est devenue plus sûre du fait des contrôles aux frontières ?

« Nous avions déjà l’un des taux de criminalité les plus bas de toute l’Allemagne… En plus, nous avons l’un des taux d’élucidation les plus élevés de toutes les grandes villes du pays. Je n’ai pas eu l’impression de voir des chiffres encore meilleurs ! »

Pas de fin anticipée en vue

Le maire de Trèves, Wolfram Leibe, ne croit pas que les contrôles aux frontières seront stoppés de manière anticipée. Soit avant mars 2025. Le gouvernement fédéral s’est bien trop engagé da,ns cette démarche. Mais l’élu le dit hait et fort : ces contrôles ne doivent pas devenir une « institution permanente (…)  Le signal d’alarme doit venir de la région frontalière allemande, mais aussi du Luxembourg ».

 

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