La Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (ECRI), a dévoilé mardi 19 septembre son rapport sur le Luxembourg, et alerte sur la progression du racisme dans le pays. Si elle met en lumière des progrès en la matière au Grand Duché, l’ECRI fait part de ses préoccupations face à un discours de haine et des discriminations en progression.

52 % des personnes noires se disent discriminées

L’ECRI rapporte que selon différentes études, des incidents racistes ont eu lieu dans les établissements scolaires luxembourgeois et fait un lien entre la crise liée à la Covid-19 et la hausse des cas de harcèlements scolaires pour des motifs de discrimination raciale.

Le rapport de l’ECRI  relève que d’après de récentes études, « de nombreuses personnes noires peuvent se sentir la cible de propos haineux ». L’enquête de l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne (FRA) « Being Black in the EU » (« être Noir dans l’UE ») a établi que 52 % des personnes interrogées d’ascendance africaine au Luxembourg avaient indiqué avoir été victimes de harcèlement raciste au cours des cinq dernières années précédant l’enquête.

Islamophobie en hausse pendant la pandémie

Selon les enquêtes menées par l’Observatoire de l’islamophobie (OIL), « les sentiments d’hostilité envers les musulmans semblent avoir augmenté de manière substantielle pendant la pandémie­ ». En 2020, 25,8 % des participants ont déclaré avoir été victimes d’actes visant les musulmans (contre 17,6 % en 2019 et 16,7 % en 2021), tandis que 30 % d’entre eux en ont observé sans que cela ne les concerne directement (contre 27,68 % en 2019 et 18,67 % en 2021).

Selon ce rapport, en 2021, le racisme envers les musulmans « a été principalement ressenti dans le monde du travail (68 %), sur les réseaux sociaux (36 %), dans le cadre de l’éducation, de formation (32 %), dans les médias (24 %) et sur la voie publique (24 %)». Il est précisé que « l’apparence joue un rôle significatif : les femmes musulmanes portant le voile seraient plus souvent victimes d’incidents à caractère haineux ».

En 2019, des lieux publics ont été vandalisés avec des slogans tels que « Fuck Moslem » et « Islam = Nazi ». Plus récemment, l’OIL rapporte qu’un homme musulman a signalé aux ressources humaines de l’entreprise dans laquelle il travaillait le harcèlement qu’il subissait depuis plusieurs années (y compris sous la forme d’oreilles de cochon accrochées sur son casier). Les réponses qu’il aurait obtenues l’invitaient à quitter l’entreprise ou à être discret (« pour vivre heureux, il faut vivre caché » lui aurait-on dit).

80 actes antisémites en 2021

En 2021, l’association Recherche et information sur l’antisémitisme au Luxembourg (RIAL) a recensé 80 actes antisémites, contre 64 en 2020, 47 en 2019, et 26 en 2018. Il a été fait état de discours de haine en ligne, notamment sur Facebook (avec 65 incidents recensés en 2021), ou d’incidents dans des lieux publics (en hausse, avec 11 incidents recensés en 2021).

Par ailleurs, le rapport établi par la commission a indiqué que les incidents antisémites en ligne ont fait un bond spectaculaire en 2020, avec une multiplication des contenus antisémites en langue française par 7 et en langue allemande par 13 : « une conséquence directe de l’amalgame que les négationnistes de la Covid-19 et les théoriciens du complot ont fait entre la pandémie et l’Holocauste », peut-on lire dans le rapport.

Les personnalités politiques n’ont par ailleurs pas été épargnées. La Commission européenne contre le racisme et l’intolérance rappelle qu’en 2019, l’injure antisémite « Juddepak » (« racaille de juif » en français) a été publiée sur la page Facebook de Corinne Cahen, alors ministre de la Famille, de l’Intégration et de la Grande Région et de confession juive.

Pour rappel, en 2021, cette dernière avait dû fuir son domicile avec ses enfants pour se protéger de personnes manifestant devant chez elle.

Les frontaliers aussi visés

Le rapport européen indique également qu’en 2021, l’origine ethnique est passée, pour la première fois, à la première place des motifs de discrimination invoqués le plus souvent par les requérants (60 cas, soit 24 % de l’ensemble des motifs invoqués).

Les groupes visés le plus souvent sont les grands groupes nationaux présents au Luxembourg, à savoir les ressortissants portugais, les personnes originaires de la région des Balkans (majoritairement arrivés pendant les guerres en ex‐Yougoslavie dans les années 1990), ou les personnes ayant la nationalité de l’un des trois pays frontaliers.

Par ailleurs, les experts témoignent de la présence au Luxembourg de préjugés envers les communautés de personnes étrangères d’origine rom, présentés comme étant des « mendiants ».

L’ECRI encourage les progrès

Loin d’accuser le pays, le gouvernement, ni même les citoyens luxembourgeois de racisme, ce rapport a pour but de donner des pistes à explorer pour améliorer la vie de tous au Grand Duché.

Dans son introduction, l’ECRI indique par ailleurs que depuis son dernier rapport de 2016, « des progrès ont été réalisés et de bonnes pratiques ont été développées dans un certain nombre de domaines ».  Par exemple, le Centre pour l’égalité de traitement (CET) a été rattaché au parlement, ce qui a « consolidé davantage son indépendance ».

L’ECRI applaudit également l’initiative du ministère de l’Éducation, de l’enfance et de la jeunesse qui a mis en place à la rentrée 2016-2017 un cours intitulé « Vie et société », traitant entre autres des droits humains, ainsi que la mise à disposition des enseignants d’une formation sur l’interculturalité et la gestion des diversités.

« Les amendements au Code pénal introduisant une circonstance aggravante générale pour les infractions pénales motivées par les préjugés sont récemment entrés en vigueur », rappelle en outre l’ECRI.

D’autres initiatives en faveur de l’intégration sont félicitée par le rapport en question comme :

  • le plan national d’intégration adopté en 2018.
  • les cours de langues et des séances d’orientation et d’information sur la vie quotidienne au Luxembourg proposées aux migrants.
  • l’implication des étrangers dans les organes de conseil
  • l’ouverture en 2022, au droit de participer aux élections communales à tous les résidents non-luxembourgeois en âge de voter.
  • le programme d’éducation plurilingue gratuit introduit en 2017 dans les crèches,
  • la mise en place de « médiateurs interculturels » dans les établissements scolaires pour soutenir les élèves et leurs parents.
  • l’ouverture d’un « guichet unique » pour des personnes fuyant l’Ukraine pour accélérer l’obtention de la protection temporaire.

 

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