Le Luxembourg doit s’armer contre la perte de compétitivité
Publié
par
Patrick Jacquemot
le 10/12/2024 à 17:12
Le Luxembourg fait partie désormais du club (très) restreint des 9 États au monde dont l’économie est saluée d’un triple A par les principales agences de notation. Mais si cette distinction mérite d’être soulignée, il ne faudrait surtout pas que le pays se repose sur de tels lauriers. En effet, à entendre le directeur de la Chambre de commerce, trop d’incertitudes fortes menacent l’activité du pays.
Et à l’occasion de son habituelle conférence de presse de fin d’année, Carlo Thelen n’a pas manqué de rappeler les périls extérieurs et nationaux. Guerres, crises humanitaires, dérèglement climatique, tensions diplomatiques mais aussi commerce mondial au ralenti ou élection de Donald Trump, voilà quelques signaux de fumée préoccupants même vu du Grand-Duché. Sans compter que le pays présente lui aussi des signes de faiblesse. Eh oui…
Ce qui fragilise le dynamisme luxembourgeois ? Le coût de l’énergie (pénalisant pour certains secteurs “gourmands”). La crise immobilière, estime aussi à la Chambre de commerce. Faute de suffisamment de logements et avec un immobilier à des prix devenus repoussoirs, difficile de maintenir la population en âge de travailler en place et d’attirer de nouveaux talents de l’étranger.
Depuis peu, le pays assiste même à un reflux du nombre de frontaliers (belges et allemands) qui pose question sur l’attractivité du pays face aux contraintes liées à l’emploi (habitat, mobilité, horaires, limite télétravail, fiscalité troubles). Pour un peu, Chambre de commerce et syndicats partageraient la même analyse sur ce point.
« Nous sommes en panne de croissance ! »
D’ailleurs, cette difficulté à recruter constitue une des fragilités actuelles. Pour 2025, 59% des chefs d’entreprises sondés par la Chambre considère même ce manque de main d’œuvre qualifiée comme le défi n°1 à surmonter pour 2025. Et puis, note Carlo Thelen, il y a cette productivité qui peine à regagner du dynamisme.
Certes, après la récession de 2023, le Luxembourg devrait s’en tirer en 2024 avec une « croissance modeste » de l’ordre de +1,2 ou 1,5%. « Mais l’on reste loin de la moyenne des +3% connue ces dernières années », regrette le représentant des secteurs de l’industrie, du commerce, des services, des banques, des activités financières, des assurances et de l’Hôtellerie-restauration.
Un regret d’autant plus inquiétant que la productivité stagne ici quand elle est plus forte en Europe ou du côté des États-Unis…
Mais attention, le Luxembourg peut regagner en compétitivité, estime-t-on à la Chambre. Et d'indiquer quelques virages à prendre et que le gouvernement serait bien inspiré de suivre. La simplification administrative, par exemple. Très bon axe d'effort pour le Luxembourg. Ce qui a été engagé pour les citoyens, doit être étendu aux entreprises pour leur faciliter le quotidien. «La simplification, ce sont des coûts réduits, des gains de temps, l'innovation favorisée, l'attraction des investissements », liste comme avantages Christel Châtelain.
Et la directrice des Affaires économiques de la Chambre d'appeler aussi de ses vœux une orientation de l'activité vers la Défense. Oui, le Luxembourg n'a peut-être pas la plus grande armée, ne fabrique ni bombes ni chars, mais certains des savoir-faire développés ici pourraient parfaitement servir ce secteur.
D'ailleurs, comme l'État s'est engagé à considérablement augmenter ses dépenses militaires (1,4 milliard d'euros d'ici 2030), autant que l'argent dépensé « ruisselle » sur l'industrie et l'innovation made in Luxembourg ! « Il faut vraiment que le pays définisse rapidement une véritable stratégie économique sur ce sujet », encourage le patronat. Ce serait bon pour l'activité, donc l'emploi, donc la croissance…
Même appel du pied au gouvernement pour qu'il encourage le tissu industriel national à se tourner vers l'IA. « L'intelligence artificielle sera la technologie qui aura le plus grand impact, demain, sur le business model des entreprises, martèle Carlo Thelen. Il faut que les sociétés puissent vite investir dans ce domaine et celui du Big Data (analyse des données) qui pourra les aider dans leur organisation, leurs décisions et l'amélioration de leur production. »
Et pour que les uns misent plus sur l'innovation, la Chambre compte sur la mise en place d'incitants fiscaux et autres aides publiques à l'investissement. « Ces trois dernières années, 64% des entreprises ont innové. C'est bien. Mais la plupart se sont contentés de dépenser - de 5% de leur chiffre d'affaires, c'est trop peu, souligne Christel Chatelain. De l'utilité de mieux faire connaître les dispositifs de soutien qui existent déjà ou que les agences au service de l'innovation communiquent mieux sur leur rôle dans ce pays. »
Sur le front social
Réformer le système de retraite ? « Il faut le faire rapidement », estime la Chambre de commerce s'inscrivant volontiers dans le timing fixé par son ex-président devenu Premier ministre du Luxembourg, Luc Frieden.
Mais pour les représentants patronaux, il faut aussi se pencher sur le sort de l'assurance-dépendance et l'assurance maternité-maladie (CNS). « La nature démographique du pays, qui vieillit, et celle des actifs assurés (plus nombreux et plus âgés) aussi mettent ces deux systèmes sous pression. » La crainte que les cotisations ne suffisent plus à financer les dépenses doit pousser le Gouvernement à agir sur ce terrain aussi. On sait déjà combien les syndicats ne partagent pas l'analyse sur l'urgence à modifier ces dispositifs… 2025 s'annonce chaudement !
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