L’opposition d’abord, les associations humanitaires ensuite et maintenant… La Procureure générale d’État en personne, Martine Solovieff. Décidément, tel le sparadrap au doigt du capitaine Haddock, la chasse aux mendiants relancée par le nouveau ministre des Affaires intérieures dans les rues de la capitale colle aux basques de Léon Gloden. Et celle qui veille sur la Justice luxembourgeoise estime que les forces de Police se dispersent trop en menant cette mission. Elle vient même d’adresser un courrier en ce sens. Une prise de position forte et… rare.

Dans cette lettre, la Procureure général fait notamment reproche à Police mobilisée sur ces opérations de délaisser au final d’autres investigations. À en croire le texte qu’a pu se procurer le Luxemburger Wort, Martine Solovieff souligne qu’actuellement 108 dossiers de délinquance générale, 283 signalements de délinquance juvénile, 72 cas de blanchiment d’argent, 43 affaires d’abus sexuels ou 320 faits de délinquance économique et financière seraient laissés en souffrance par les enquêteurs.

La magistrate estime qu’en un mois, les patrouilles de policiers auront passé quelque 880 heures pour contrôler les quémandeurs.  « Cent dix agents de pratiquement tous les services de la police judiciaire ont été mobilisés pour mener des opérations contre la mendicité dite organisée (…) et les autorités judiciaires, qui ont la tutelle sur ces enquêteurs spécialisés, ont appris ce détachement par voie de presse», déplore Martine Solovieff.

Méthode dénoncée

La magistrate regrette doublement la méthode retenue. D’abord car elle a nui à la poursuite d’autres enquêtes plus urgentes à résoudre à ses yeux mais aussi car « poursuivre les victimes de mendicité n’est certainement pas une réponse adéquate à cette forme de criminalité ».

Des regrets d’autant plus amers que les “résultats” sont loin d’être probants. Dans une réponse officielle, le ministre des Affaires intérieures avait ainsi admis que, du 15 janvier au 22 février, les patrouilles avaient contrôlé 438 individus et relevé 2 cas de mendicité prohibée seulement… Deux cas dont le député écologiste Christian Kmiotek qui s’était volontairement fait passer pour un mendiant pour dénoncer la méthode mise en place par le ministre chrétien-social.

Jusqu’à présent, le nouveau gouvernement est resté imperméable aux critiques avancées. Y compris celle de la commune de Dudelange qui a constaté que des agents de son commissariat avaient été déplacés vers la capitale pour effectuer des missions de vérifications auprès des indigents. Un fait noté et dénoncé depuis par d’autres bourgmestres…

D’avantages de policiers

Dans son courrier, la Procureure général d’État demande donc au ministre Gloden de relever tous les services de la police criminelle du plan d’action spécial mis en place. Copie de cette demande a été adressée à la ministre de la Justice, Elisabeth Margue.

Léon Gloden a répondu, lundi matin au micro de RTL, que ce courrier lui apparaissait comme « un appel à l’aide », et non une réprimande. Balayant la polémique, le ministre annonce vouloir davantage de policiers au Luxembourg. Et la première traduction de ce souhait sera l’ouverture de la prochaine campagne de recrutement de 160 à 200 places.

Il a toutefois admis une erreur de son administration qui avait détaché des enquêteurs spécialisés dans la lutte contre la criminalité économique et financière pour contrôler les mendiants… Des personnels désormais rappelés dans leur service.