Ne comptez pas sur la Fédération des artisans pour finir 2024 apaisée. La voix de 9.000 entreprises luxembourgeoises serait plutôt entre craintes et réclamations. Les peurs d’abord : pénurie de main d’œuvre, crise dans la construction, perturbations dans des branches comme l’automobile, l’alimentation artisanale, les soins du corps, des fusions-acquisitions qui se multiplient et viennent bousculer une branche sur laquelle repose l’emploi de 100.000 salariés encore…

Mais alors que 2025 approche, le président Luc Meyer ne cache pas que le passage à la nouvelle année va coûter cher aux entreprises artisanales du pays. La faute à l’effet combiné de l’augmentation du salaire minimum au 1er janvier (+ 2,6%) et de l’index à venir peu de temps après (+ 2,5%). Le responsable a fait ses comptes : « Pour l’artisanat, c’est comme s’il fallait régler d’un coup les charges équivalents à 4.000 salaires supplémentaires ». Et de craindre que certains patrons n’aient pas les finances pour amortir ce “choc”.

Et si la Fédération est anxieuse, elle est du coup nerveuse. La voilà qui veut taper sur tout ce qui bouge. « On a bien retrouvé beaucoup de nos revendications dans l’Accord de coalition et dans certains des premiers projets de loi présentés. On dit aussi merci au gouvernement pour le Plan d’aide à la construction qui a permis de limiter la casse. Mais il reste des points sur lesquels nous n’avons pas été suffisamment entendus ! », regrette Luc Meyer.

Avec un D comme… démocratie ou discrimination

Pourtant, parmi la demi-douzaine de sujets qui irritent encore aujourd’hui le secteur artisanal, bon nombre ont été placés au cœur du débat public. Avec déjà bien des remous. « Mais ça ne va pas toujours assez loin, estime Romain Schmit. L’État, les administrations et les syndicats doivent comprendre que le monde change vite et s’adapter à cette réalité !» À charge maintenant pour le secrétaire de la Fédération de sortir les fourches.

Première cible : la sur-représentativité des syndicats dans les négociations sociales en entreprises, et plus particulièrement dans l’artisanat. « Dans les entreprises de moins de 100 salariés (dont beaucoup sont artisanales), le pourcentage de délégués “sans étiquette” élus est de près de 78%. Mais ce sont quand même OGBL et LCGB qui viennent à la table des négociations pour signer les Conventions collectives. »

Pour la Fédération, « on ne respecte plus le choix du salarié dans ce système et cela aboutit à un dialogue social déconnecté des réalités ». D’où l’exigence que le Gouvernement modifie les textes pour faire en sorte que les représentants élus directement en entreprises, même non-syndiqués, puissent plus facilement avoir accès aux négociations. « Sinon, ce n’est pas la démocratie sociale mais de la discrimination !»

Les syndicats, déjà remontés sur le sujet, apprécieront certainement moins que Georges Mischo, le ministre du Travail qui veut ainsi bousculer le système actuel…

Le travail dominical ? Là aussi Georges Mischo est sur la “bonne voie” mais la Fédération veut lui glisser deux suggestions : Ok pour passer de 4h à 8h le temps presté le dimanche dans les commerces, mais pourquoi ne pas y ajouter des heures supplémentaires et réviser au passage l’obligation d’un repos hebdomadaire de 44 heures continu. « Mais si tu finis le dimanche à 18h, tu ne pourras être dans la boutique avant le mercredi : c’est impensable ! »

Tiens d’ailleurs, les horaires d’ouverture étendus… Là aussi le secteur artisanal plaide pour aller au-delà de ce qu’a présenté le Gouvernement pour le moment. « Flexibilité totale !», lance Romain Schmid. Autrement dit que chaque magasin puisse déterminer son timing, selon ses besoins et ceux des clients. « La concurrence, c’est le shopping en ligne 24/7. Si on se restreint en ouverture ou que l’on est pas adapté au clic’n’collect, on meurt aujourd’hui… »

La question doit donc se régler site par site, et non via un cadre national « trop rigide » ou via des exemptions négociées dans des Conventions collectives. Copie à revoir donc.

Et puis voilà la Fédération des artisans qui se joint à la meute critiquant l’Inspection du travail. L’ITM étant jugée « trop répressive et déconnectée des réalités ». Trop de contrôles en présence de clients, des fermetures de chantier sévères, des sanctions financières multiples tombant pour un même problème, une approche purement répressive et pas assez dans le préventif, des inspecteurs mal formés : les reproches sont égrainés comme dans une litanie.

Les souhaits ? Qu’une infraction ne soit punie que par une seule sanction (et avec un cadre de sanctions qui soit « transparent et proportionné »). Qu’une première infraction ne soit pas autant sévèrement taxée. Et surtout que si décision de fermeture d’un magasin ou d’un chantier il y a que ce soit dans le cas avéré d’un danger immédiat et pas pour d’autres prétextes. Le directeur et son équipe apprécieront là encore…

Et puis il faudrait aussi être plus regardant sur les arrêts maladies des salariés (« il y a des abus incontestablement ») ou ceci, ou cela… C’est bien simple, à la fin, ça pourrait presque ressembler à une Lettre au Père Noël. « Mais oui, mais le 25 décembre, si tu ne demandes rien, tu risques surtout de ne rien avoir », concluent en souriant Luc Meyer et Romain Schmit.