Cette pétition qui veut bannir l’information LGBT de l’école
Publié
par
Yves Greis
le 23/07/2024 à 11:07
Il y a moins de deux semaines, la Gay Pride colorait les rues de Luxembourg ou Esch. La communauté LGBT célébrait alors ses droits acquis et les luttes à mener encore contre toute forme de discrimination à l’égard des lesbiennes, gays, bisexuels, trans, queer, etc. Mais les écoliers et lycéens doivent-ils aborder ces notions de genre à l’école ? Une pétition publique assure que non. Et en deux jours, la revendication a déjà déjà atteint le quorum pour que les députés organisent un débat autour du sujet.
« L‘inclusion de contenus relatifs aux thématiques LGBT dans les programmes scolaires destinés aux mineurs est à exclure », demande résolument le pétitionnaire. Ainsi, Helder Rui De Almeida Neves estime que l’intérêt supérieur de l’enfant est aujourd’hui en danger. « Concernant l’âge approprié et le développement psychologique des mineurs, il est raisonnable d’admettre que l’introduction de ces thématiques à un âge précoce risque de perturber le développement psychopédagogique des enfants », peut-on lire dans l’exposé des motifs. L’idée étant alors de ne pas aborder cette question d’identité devant les jeunes de moins de 18 ans.
« Je suis moyennement surpris par le succès de cette pétition », déclare Didier Schneider, directeur du centre LGBTIQ+ au Luxembourg, CIGALE. Son organisation se rend régulièrement dans les classes (à l’invitation des écoles) pour parler aux élèves de la thématique lesbienne, gay, bisexuelle, trans’, intersexe, queer+.
« Cette pétition témoigne d’une grande méconnaissance de notre travail, de la psychologie des enfants et du fonctionnement de l’homophobie, de la transphobie et de la biphobie », poursuit Didier Schneider. Les workshops en classe s’adressent principalement aux 13-16 ans – donc des jeunes en pleine puberté. « Notre but n’est pas de faire des cours d’éducation sexuelle. Nous faisons de la prévention contre la violence et la haine. Nous expliquons aux jeunes ce qu’est l’homosexualité et ce qu’est la transidentité. Nous transmettons un message de tolérance pour lutter contre la violence ».
Discussions dans quelques mois
Lorsque le pétitionnaire parle de l’intérêt de l’enfant, Didier Schneider n’est là encore pas du tout d’accord. « En réalité, c’est nous qui protégeons les jeunes ! ». Selon lui, le travail d’information permet de réduire la l’agressivité des jeunes envers leurs camarades de classe homo, bi ou trans. « C’est souvent l’ignorance qui mène à l’intolérance… »
Reste que selon le pétitionnaire, les familles devraient pouvoir décider elles-mêmes si leur fils, leur fille doit participer aux interventions abordant la thématique LGGBT. « Selon ses propres croyances et principes », autorisation ou non serait ainsi donnée.
Les parlementaires luxembourgeois en discuteront donc avec l’intéressé d’ici quelques mois. Un pétitionnaire qui précise bien que son but n’est pas l’homophobie ou la transphobie. Mais à ses yeux, comme pour plus de 2.500 soutiens déjà, de « garantir le respect et l’orientation éducative appropriée pour tous les enfants mineurs ». Mais on voit mal la nouvelle majorité CSV-DP faire machine arrière sur cette initiative d’informer sur les questions de genre les générations à venir.
L’effet backlash
Didier Schneider, responsable du Centre CIGALE est formel : « Chaque fois que les droits d’une minorité sont renforcés, on observe en réaction une montée du conservatisme ». D’où son peu d’étonnement à voir surgir sur la place publique la pétition demandant certaines restrictions autour des interventions à l’école sur la thématique LGBTIQ+. « Par exemple, depuis que les personnes queer obtiennent de plus en plus les mêmes droits que les non-queer, les membres conservateurs de la société se sentent menacés », assure le directeur. Une réaction -effet backlash- dont la vivacité étonne par son ampleur et sa soudaineté dans le cas de la pétition.
Mais selon Didier Schneider l’opposition renaissante face aux personnes lesbiennes and Co est visible partout dans la Grande Région, et pas seulement au Luxembourg. En France, le nombre d’actes homophobes et transphobes a ainsi augmenté de 36% entre 2022 et 2023. En Allemagne, ils ont progressé de 26% sur la même période.
Le Centre qui conseille pour les personnes concernées par les thèmes LGBTIQ+ (y compris les peurs, les incompréhensions, les rejets subis) a quant à lui de plus en plus de travail. De 165 en 2022, le nombre d’entretiens menés est passé à 310 en 2023. Et rien que pour les six premiers mois de l’année, 200 discussions ont déjà été engagées.
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