« Quand on ne s’y retrouve pas dans son entreprise, il faut se prendre en main. On fait ses valises et puis c’est tout ».

La dernière fois qu’il a plié bagages, Roland avoisinait la cinquantaine. Responsable commercial aguerri, droit dans ses bottes, il ne tarde pas à retrouver preneur. Dans l’entreprise de ses débuts. A l’époque, un diplôme d’armurier en poche, audacieux, il sollicite l’entremise d’un ami.
« Eh dis, tu ne sais pas s’ils embauchent dans ton entreprise ? 
– Envoie-moi ton CV et je le ferai suivre ».

L’affaire est entendue. Entretien soigné et convaincant, «  du temps où il n’y avait pas besoin d’avoir Bac+3 pour tenter sa chance », Roland convoie d’Outre Rhin au Grand-duché. L’intéressé ne s’en cache pas, la migration est avant tout d’ordre économique. « J’ai doublé mon salaire qui s’élevait à 2000 euros en Allemagne ».

Fils de commerçant, « la fibre vendeuse depuis toujours », il perce dans les affaires. A plusieurs reprises, il alterne les jobs, « l’expérience et le changement font grimper les émoluments. Mais ce n’est pas qu’une question d’argent, l’ambiance professionnelle compte aussi beaucoup ».

« Sans les frontaliers, le pays ne serait pas ce qu’il est aujourd’hui »

Fort d’un bilinguisme franco-allemand parfait, « né de la pratique du patois avec ses parents durant [son] enfance et d’études dans un pays germanophone », il fait rapidement son nid côté luxembourgeois, qu’il déchiffre sans difficulté. S’il admet que les locaux peuvent se montrer réticents envers les visiteurs, lui ne l’a jamais ressenti. « Sans les Belges, les Allemands ou les Français, le pays ne serait pas ce qu’il est aujourd’hui », avance Roland.

Horaires à la carte, rythmé à l’auto-planification, le travailleur n’est pas contraint par les présences quotidiennes obligatoires au bureau. Et quand il grimpe en voiture, le trafic a déjà connu ses pics de densité. Et heureusement ! « Cela me prendrait bien le choux, admet celui qui n’aurait peut-être pas supporté la cadence. Si j’avais été assujetti à un emploi du temps préétabli, j’y aurais déjà réfléchi ».

Le contraste franco-luxembourgeois au niveau social, « je pense à l’index, aux retraites avantageuses, aux charges sociales moindres et même au système boursier pour les enfants », est tel qu’un retour aux sources est inenvisageable. Seules des raisons familiales achèveraient de le convaincre de quitter le navire. « J’ai toujours été frontalier. J’espère que cela va durer jusqu’au bout ». Frontalier un jour, frontalier toujours !