Article publié en février 2019- rappel en période de déclaration fiscale-

Il faut bien croire que, des nombreuses campagnes d’information relatives à l’échange automatique des données fiscales, certains résidents français (et pas forcément des gaulois réfractaires) n’ont retenu que le terme « automatique », pensant être libérés de toute déclaration spontanée et annuelle auprès du fisc.

Voyons à travers un rapide tour d’horizon en quoi consiste l’échange automatique des informations fiscales avec votre pays de résidence, tout en passant en revue ce que vous risquez si l’administration fiscale s’intéresse à vos comptes.

Qu’est-ce que le principe de l’échange automatique d’informations ?

L’échange automatique d’informations relatives aux comptes financiers en matière fiscale (EAI) a été mis en place progressivement sur l’initiative de l’OCDE, avec pour objectif, de combattre l’évasion fiscale.

L’EAI a été rendu obligatoire entre les Etats membres de l’Union grâce à la Directive relative à la coopération administrative (Directive DAC 2). Ce dispositif s’applique aussi à des Etats tiers signataires d’accords multilatéraux.

Depuis le 1er janvier 2016, le Luxembourg est entré dans l’échange automatique. Il faut noter que les résidents fiscaux Luxembourgeois ne sont évidemment pas concernés : le secret bancaire demeure absolu dans leur cas.

En pratique

Le 30 juin de chaque année au plus tard, l’établissement financier devra communiquer automatiquement et de manière nominative à l’administration fiscale luxembourgeoise, l’Administration des Contributions Directes (ACD), les informations financières collectées l’année précédente auprès des comptes des personnes visées.

Il s’agit d’informations relatives aux revenus d’intérêts (intérêts de comptes bancaires, comptes épargne, bons de caisse, comptes à terme, d’obligations, dividendes et de plus-values sur certains fonds obligataires), ainsi que certaines données privées des clients (coordonnées, montants et dates de chaque paiement d’intérêts, numéros de compte).

Depuis septembre 2017, l’échange s’est accentué puisque les coordonnées des personnes physiques et des personnes morales concernées (bénéficiaires économiques éventuels), sont communiquées au même titre que les données relatives à leurs avoirs (solde des comptes bancaires au 31 décembre, ou à la date de clôture du compte, cession d’actifs financiers).

Avant le 30 septembre de chaque année, l’ACD transférera ces informations à l’administration fiscale de l’Etat de résidence du client.

Les personnes concernées

Tous les comptes bancaires sont, en principe, visés par l’échange automatique d’informations. Les comptes bancaires de sociétés dites passives sont concernés, notamment si ces dernières sont incorporées ou résidentes fiscales d’un Etat et soumises à déclaration, ou encore si elle sont contrôlées par une personne physique résidente dans une prédite juridiction.

Rappelons qu’une société est passive lorsqu’elle détient plus de 50% de ses revenus passifs (dividendes, intérêts, etc.) ou plus de 50% de ses actifs générant des revenus passifs. A l’inverse, une société active tire au moins 50% de ses revenus bruts de l’exercice d’une activité (trading, prestations de services, etc.).

Il est crucial de préciser que le contribuable concerné est tenu de satisfaire à l’obligation déclarative au titre de chaque année ou exercice.

Le dispositif dans l’Etat de résidence : l’obligation de déclaration annuelle

Il faut savoir qu’en France, l’obligation de déclarer ses comptes à l’étranger remonte au 1er janvier 1990 (article 1649 du Code Général des impôts « CGI »).

La déclaration s’opère par le formulaire CERFA n°3916 disponible en ligne sur le site officiel de Bercy. Outre l’état civil, le déclarant devra mentionner sa qualité de titulaire d’un compte ou de bénéficiaire d’une procuration.

 Il faut cocher la case 8UU de la déclaration 2042 et compléter le formulaire Cerfa n°3916 accessible sur www.impots.gouv.fr

Les risques en cas de défaut de déclaration au fisc français

Si le contribuable ne s’est pas conformé à la législation fiscale de son Etat de résidence, plusieurs sanctions sont envisageables.

Scénario fantasmé : vous n’avez pas été pris dans les filets de l’administration fiscale. Détrompez-vous, vous n’avez pas été oublié, ce n’est qu’une question de temps. Passons directement au scénario réaliste.

Scénario réaliste : les agents de la Direction générale des finances publiques (DGFIP) sont autorisés à examiner l’ensemble des relevés des comptes ouverts à l’étranger concernant les années où l’obligation déclarative n’a pas été respectée.

Vous êtes ainsi passible :

  • D’une amende forfaitaire de 1500€ par compte non déclaré et par année (sous réserve de la prescription de 4 ans).
  • De deux types de redressements fiscaux, à savoir l’imposition sur le revenu (i) et la taxation d’office (ii).

(i) Une présomption simple de revenu imposable va être opérée sur les sommes portées au crédit du compte offshore. Tous les avoirs transférés de France vers l’étranger et dans le sens inverse sont présumés constituer des revenus imposables et ce pour l’année du virement. Même si le compte a été constitué par des revenus non déclarés sur une période prescrite (>10 ans), le transfert fera revivre cette imposition prescrite. Le point de départ de la prescription court à compter de ce virement et non pas de la constitution du compte.

(ii) Une taxation d’office portant sur une majoration de 80% appliquée sur le montant des droits dus résultant de l’imposition des sommes incriminées.

Ce scénario n’est en rien alarmiste, puisque dès réception de la proposition de rectification de l’administration fiscale vous informant de l’imposition de vos avoirs, il vous est encore possible de contester en prouvant le caractère non imposable de vos deniers.

Si vous n’êtes pas en mesure d’apporter ces preuves parce que les fonds ont une origine occulte, attendez-vous à basculer dans le scénario suivant.

Scénario catastrophe : si vos comptes bancaires et avoirs à l’étranger concernent des montants importants qui n’ont pas été déclarés et que l’origine des fonds est obscure, alors l’administration fiscale sera en mesure de déposer une plainte pénale pour fraude fiscale, outre les sanctions administratives (de manière exceptionnelle, le Conseil constitutionnel a reconnu en juin 2016 qu’une sanction fiscale pouvait se cumuler avec une sanction pénale : Cons. const. 24-6-2016 n° 2016-545 QPC et 2016-546 QPC).

En droit commun, le délit de fraude fiscale est sanctionné, à titre principal, d’une amende de 500.000€ et d’une peine d’emprisonnement de cinq ans. Lorsqu’il est question de comptes ouverts ou de contrats souscrits auprès d’organismes établis à l’étranger, les peines sont portées à 2.000.000€ et sept ans de prison.


Maître Saliha DEKHAR
Avocat à la Cour
Barreau de Luxembourg
[email protected] : adresser le courriel à Me DEKHAR

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