Depuis août 2016, on vous parle de la suppression des allocations familiales pour les enfants non biologiques des frontaliers. On vous a aussi expliqué ce problème de discrimination entre les ménages demeurant aux frontières et ceux résidents au Luxembourg.

En effet, pour ces derniers, la caisse pour l’avenir des enfants (CAE) continue de leur verser les allocations, car ils résident sur le sol luxembourgeois. Pourtant, un travailleur au Luxembourg a exactement les mêmes cotisations sociales qu’il réside dans un pays frontalier ou au Grand-Duché. Il y a quelques semaines, on vous annonçait une bonne nouvelle : Les allocations familiales pour tous les enfants de frontaliers. Après plus de quatre années de combat, l’étude de Maitre Pascal Peuvrel avait enfin obtenu justice.

Rebondissement : le conseil supérieur de la sécurité sociale luxembourgeoise ne fait pas la même lecture et ajoute des conditions drastiques.

En effet, la cour de justice européenne a validé l’appel des plaignants dans le procès pilote induit par l’étude de Maître Peuvrel, et donc approuvé le fait que les allocations familiales étaient bien dues à ce ménage. C’est du moins ce que dit l’arrêt du 2 avril 2020 de l’Union Européenne.

 

Pourtant, le droit européen est supérieur au droit national !

Le Conseil supérieur de la sécurité sociale a rendu sa décision en disant que les articles 269 et 270 ne seraient pas illégaux, mais heurteraient les principes communautaires. Ainsi, le conseil a ajouté des conditions pour l’octroi des allocations, à savoir : « A lire cette décision, le travailleur frontalier ayant dans son foyer un enfant issu d’une autre union (donc considéré comme non-biologique), doit prouver qu’il subvient à 100% aux besoins de l’enfant », nous explique Maître Fabrice Brenneis de l’étude de Maître Peuvrel. Pour bien comprendre, prenons deux exemples concrets pour expliquer « subvenir à 100% aux besoins de l’enfant » :

Exemple 1

  • Le beau-père travaille au Luxembourg, et la mère biologique ne travaille pas.
  • Si le père biologique verse une pension : l’enfant n’aura pas droit aux allocations du Luxembourg
  • Si le père biologique ne verse aucune pension : l’enfant aura droit aux allocations du Luxembourg

Exemple 2

  • Le beau-père travaille au Luxembourg, et la mère biologique travaille dans son pays de résidence, avec ou sans pension, l’enfant n’aura pas droit aux allocations familiales.

Pour prouver que le travailleur frontalier subvient à 100% aux frais de l’enfant non-biologique, ce n’est pas toujours facile et ça demande souvent de nombreux documents et attestations.

La décision rendue est choquante

Interrogé par notre réaction, Maître Peuvrel nous explique : « La décision rendue est choquante à plus d’un titre : tout d’abord elle remet en cause la décision de première instance qui avait alloué au justiciable frontalier les allocations familiales réclamées. Elle ne constitue en rien une décision de principe mais au contraire une décision d’exception.

Le droit communautaire est une norme supérieure au droit national : si la cour de justice européenne dit que le système luxembourgeois instauré par la loi de 2016 est contraire au droit européen, c’est qu’il est illégal, puisqu’il ne respecte pas la norme supérieure. Il n’y a pas lieu de jouer sur les mots.

Le travailleur frontalier n’a en aucun cas besoin de prouver qu’il règle tous les frais en rapport avec l’enfant de sa conjointe : il doit selon la juridiction européenne seulement prouver qu’il pourvoit à son entretien, qu’il y contribue. Et ce n’est pas parce qu’une pension alimentaire est versée par le parent biologique non-gardien qu’elle couvre tous les frais en rapport avec l’enfant et que du coup on peut en déduire que le travailleur frontalier ne participe en rien aux charges d’entretien en rapport avec l’enfant.

Finalement, et c’est le plus grave, la décision rendue repose sur le postulat que la mère des deux enfants concernés travaillerait et de ce fait « contribuerait à hauteur de la part qui lui incombe aux frais d’entretien des enfants ce qui est totalement inexact puisqu’il résulte des propres pièces versées au dossier par la CAE, et donc à disposition de la juridiction, que la maman des deux enfants concernés ne travaille pas. Cela est donc encore plus clair : c’est donc évidemment le conjoint travailleur frontalier, le parent non biologique donc, qui assume cette part pour le compte de la mère. »

Il reste la cassation

Maître Peuvrel, ( mail: [email protected] ) face à l’injustice qui affecte les travailleurs frontaliers depuis 2016, a décidé d’aller en cassation. Cette affaire heurte le droit européen, et il garde un grand espoir d’avoir gain de cause pour toutes ces familles discriminées uniquement parce qu’elles ne résident pas sur le sol luxembourgeois.

 

A lire : La CSL rejette le projet de loi concernant les allocations familiales et exige la fin des discriminations.

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