547 : tel est le nombre d’interruptions volontaires de grossesse que le Planning familial luxembourgeois a accompagnés en 2022. « Mais ce ne sont que nos chiffres, pas forcément toute la réalité des avortements pratiqués par les filles ou les femme du pays. » Des années que la structure réclame une étude sur le sujet, des années que la question de l’IVG traine…

En août dernier pourtant, la ministre de la Santé avait laissé poindre des avancées. Plus particulièrement sur un possible allongement du délai de droit à l’IVG de 12 à 14 semaines au Grand-Duché. Des réunions de concertation avaient même été organisées dans la foulée. Sept mois plus tard, le dossier semble à nouveau au point mort.

Alors va pour une piqure de rappel adressée au gouvernement actuel et aux candidats en lice pour les prochaines élections législatives : « Augmenter de deux semaines le temps accordé, ce n’est pas rien, assure Catherine Chery, directrice du Planning. Il peut y avoir des découvertes tardives de grossesse, notamment pour des filles au cycle menstruel irrégulier, des femmes qui se pensaient infertiles ou ménopausées, voire “à l’abri” en raison de la prise de contraceptifs. »

La dérive du choix du sexe de l’enfant

Passer à 14 semaines, c’est aussi éviter à certaines femmes de devoir partir à l’étranger (Belgique ou Pays-Bas notamment) pour bénéficier d’une prise en charge de cet embryon qu’elle ne désire pas mettre au monde. “Officiellement”, une dizaine de Luxembourgeoises feraient ainsi le voyage, mais là encore on manque de chiffres officiels.

Pour la Société luxembourgeoise de gynécologie et d’obstétrique (SLGO), ce sursis supplémentaire de 14 jours pose question. Et pour l’instant, l’instance présidée par le Dr Pit Duschinger y met un veto. Pour des raisons médicales d’abord : « Cela apporte des dangers supplémentaires. Il y a plus de risque de saignements post-opératoires, de blessure de l’utérus ou d’infections ».

L’argumentaire ne tient pas aux yeux du Planning familial : « Des études montrent que les risques pour la santé d’un avortement jusqu’à la 22e semaine ne sont de l’ordre que de 0,1 à 0,2 % ! »

Pour le SLGO, une question morale doit aussi être posée sur la table : il ne faut pas que cet allongement soit le risque du choix du sexe de l’enfant avec le test NIPT (Non-invasive prenatal testing) réalisé à la 12e semaine de grossesse d’aménorrhée. Il a pour fonction de dépister les anomalies chromosomiques du fœtus et permet, par exemple, de détecter diverses formes de trisomie. Il permet également d’analyser les chromosomes sexuels X ou Y.

« Les expériences du terrain nous rapportent qu’il y a régulièrement une demande précise d’avortement à cause d’un sexe qui ne “cloche”  pas pour des raisons culturelles ou pour des besoins privés (que ce soit pour une petite fille ou un petit garçon). On ouvrirait la  porte d’une attente d’un résultat d’un test NIPT pour se décider ou non à réaliser un avortement. Ce serait tout à fait inacceptable », insiste le Dr Duschinger. A débattre donc.

Gratuité et anonymat à conforter

Du côté du Planning familial, la présidente insiste aussi sur d’autres “avancées” à mener autour de l’IVG. Et Ainhoa Achutegui d’évoquer diverses suppressions comme celle du délai de réflexion de 3 jours imposé à celles qui s’engagent dans la démarche d’un avortement. Le médecin se doit de prescrire ce temps, mais aux yeux de la structure, « les femmes n’en ont pas besoin. C’est paternaliste et infantilisant ! »

Par ailleurs, il est réclamé des textes assurant l’avortement au pays de façon gratuite et totalement anonyme. « Ce n’est pas encore le cas pour celles qui procèdent à ce geste à l’hôpital au Luxembourg. Elles voient encore cette information et leurs données transmises à la Sécurité sociale. Pour une jeune mineure, cela implique que sa famille soit de fait informée… »

Enfin, demande est faite d’inscrire le droit à l’IVG dans la Constitution luxembourgeoise. Le nouveau texte n’a pas pris cette revendication en compte, mais face aux “retournements” de certains Etats sur la question (USA, Pologne, etc), le Planning familial insistant : « C’est mieux que cela soit ainsi car il est toujours plus difficile de revenir en arrière sur une Constitution que sur une loi. »

🇫🇷 En février 2022, la France a allongé la durée légale de l’avortement de deux semaines, passant à 14 semaines de grossesse. Une proposition de loi a également été faite pour inscrire ce droit fondamental des femmes dans la Constitution. Ce texte a été voté au Sénat en février dernier; il attend son adoption définitive des députés.

🇧🇪 En Belgique, depuis 1990, le délai est porté quant à lui à 12 semaines. Mais le Royaume réfléchit actuellement à porter ce seuil à 18 semaines. Un Comité d’experts a remis un rapport aux parlementaires en ce sens.

🇩🇪 En Allemagne, le délai de l’avortement est de 12 semaines. En juin dernier, le Parlement allemand a aboli une loi qui limitait l’information sur l’avortement. L’accès à l’IVG reste toutefois très encadré : obligation de conseil du corps médical, consultations, délai de trois jours de réflexion à respecter avant l’intervention notamment.

 

Texte réalisé en collaboration avec Fatima Halfmann-Boukrari

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