Trouver du travail au Luxembourg peut sembler facile, mais pour certains salariés, la difficulté réside dans le fait de garder longtemps leur emploi. C’est en tout cas l’expérience vécue par Virginie, 43 ans, travailleuse frontalière depuis 2005.

Lorsque Virigine originaire de lorraine, secrétaire de formation évoque son parcours, elle le fait tout sourire. « C’est parce que j’ai réussi à me relever, et que je garde toujours l’espoir de trouver la société où je pourrais travailler jusqu’à ma retraite », dit-elle.

Pourtant, cette femme dynamique, avoue être « lassée de passer des entretiens, lassée de passer d’une entreprise à une autre, et lassée de ne pas trouver la stabilité professionnelle » qu’elle espère. Car Virginie le pense, elle a eu « beaucoup de chance dans plein de domaines » de sa vie mais « pas dans le domaine professionnel ».

Un parcours en dent de scie

Pour comprendre son parcours, il faut remonter à 2009, lorsque Virginie travaille pour une fiduciaire dans la capitale luxembourgeoise. Enceinte, elle demande à son employeur de passer en temps partiel après l’arrivée de son enfant.

L’entreprise à l’époque en pleine restructuration ne lui donne pas le choix : à l’issue de son congé parental, il faudra revenir à temps plein « ou la porte sera grande ouverte ». Pourtant, malgré les difficultés que connait la structure à ce moment-là, Virginie espère pouvoir garder son emploi.

« Ce n’était vraiment pas la politique de l’entreprise de mettre à l’écart les femmes qui revenaient de leur congé parental. On m’a donné cette réponse parce que ça allait mal, tout simplement. » préfère-t-elle préciser.

Les conflits internes à l’entreprise auront raison de son avenir dans la fiduciaire.

Virginie entreprend aussitôt des recherches d’emploi et est embauchée en janvier 2010 dans une “trust“, à temps partiel. Elle y restera deux ans, avant de démissionner. Cette fois, c’est le « comportement tyrannique», de son patron « qui crée une ambiance insupportable ». Virginie part, sans se retourner, mais retrouve très vite un nouvel emploi.

En septembre 2012, son travail à temps partiel dans une fiduciaire dont l’une des filiales est basée au Luxembourg la satisfait pleinement. Pour elle, l’équilibre est trouvé. « Je met un point d’honneur à être présente pour ma fille. C’est pour cette raison que j’ai souhaité garder un rythme de travail me permettant d’avoir plus de temps à la maison », explique Virginie.

Tout se déroule parfaitement pour elle jusqu’à ce qu’en 2014,  l’un des associés de l’entreprise  revende ses parts. La direction décide alors de placer Virginie dans un nouveau service… Seulement voilà, elle n’a aucune compétence en comptabilité !

Pour elle, c’est l’incompréhension totale. Cette « mise au placard » durera deux ans, jusqu’à un licenciement « fait proprement » en 2016.

La descente aux enfers

En 2017, Virginie intègre une très grande société, à mi-temps. L’idée d’entrer dans une grosses structure est une alors très bonne nouvelle. « Là, j’y croyais vraiment, se souvient-elle, et pour tout vous dire je me voyais y rester très longtemps. »

C’était sans se douter que le comportement de sa manager la pousserait vers la sortie.

Ce n’est qu’au bout de 9 mois que la situation commence à tourner en sa défaveur. Virginie raconte : « c’était une personne qui arrivait très tôt le matin et partait très tard le soir. Elle a fait le choix de mettre sa carrière en priorité absolue. Malheureusement pour moi, elle souhaitait que j’en fasse de même, ce qui n’était pas le cas ».

À ceux qui pensent en lisant son portrait que Virginie a tout simplement un problème avec le fait de travailler, elle répond : « j’estime qu’il est tout à fait possible de travailler efficacement dans des horaires convenables. A mon sens, l’équilibre entre le travail et la vie personnelle est possible, à condition de le vouloir ».

Pour elle, le problème en entreprise vient du fait que « beaucoup de personnes se glorifient en travaillant plus qu’il n’en faut. En réalité, ce n’est pas un comportement sain, c’est pour prendre le pouvoir sur les autres ».

Pendant deux ans, elle supportera les appels le soir, le week-end, les remontrances et les reproches de sa responsable tous les matins au bureau, et cette culpabilité constante qui la tiraille.

« Je ne dormais plus la nuit, je somatisais, et pendant mon sommeil, je me grattais tellement fort sans le savoir que je me réveillais avec des mutilations sur les bras », se souvient-elle, non sans émotion. Virginie s’accroche: elle ne veut pas chercher un emploi ailleurs. Elle souhaite changer de service mais sa responsable « freine » ce projet.

Les crises d’angoisses deviennent si fortes qu’en janvier 2019 elle « pète littéralement un câble»,  jusqu’à faire une « grosse bêtise ».

Heureusement, son noyau familial est sain. Son mari, son enfant, ses parents la maintiennent en vie. Virginie vois trois psychologue et un psychiatre qui posent les mots sur les maux: « c’est un burn out ».

Après le fonds, la renaissance

Elle se relève, contacte l’OGBL, monte un solide dossier et attend d’être assez forte pour rencontrer la direction. « Heureusement pour moi, j’ai été témoin de faits de corruption que je n’aurais pas du voir. Je voulais rester, être placée ailleurs mais ça n’a pas été possible. Les preuves étaient si flagrantes que mon silence a été acheté ». Retour à la case départ pour Virginie.

Durant quelques temps, Virginie avoue l’avoir eu mauvaise. Pour elle, le milieu professionnel peut être impitoyable. Si aujourd’hui, elle concède qu’il y a une évolution des mentalités, elle regrette que « des entreprises affichent des pancartes de sensibilisations sur le harcèlement au travail alors que dans les faits, on voit les choses mais l’on ne dit rien ».

Pourtant, en discutant avec d’autres salariés, Virginie se rend compte qu’elle est loin d’être un cas particulier. « Du collègue qui en fait des caisses pour être bien vu, au patron qui use de son pouvoir pour vous démolir, il y a tous les profils ».

Ce qu’elle retient de ces mésaventures ? « Qu’il ne faut pas leur laisser l’occasion de vous écraser, qu’il faut savoir poser des limites dès le départ, qu’il ne faut jamais se taire parce que ce type de comportement toxique a des répercussions désastreuses sur la santé ». Virginie conseille en outre de « faire appels aux syndicats »  lorsqu’un problème de harcèlement se présente, qui selon elle sont d’une « réelle efficacité ».

Elle qui fut un temps, a déjà essayé de travailler en France, admet son salaire pour un mi-temps « serait celui d’un temps plein là-bas ». Loin d’elle l’idée de « jeter la faute sur le travail au Luxembourg ».

Virginie a beau avoir vécu ces moments difficiles, elle reste enthousiaste, positive et « profondément reconnaissante » d’avoir construit sa vie en travaillant au Grand Duché. Elle se dit « parfaitement consciente » de sa chance en tant que salariée et frontalière, et ce « malgré les trajets », et espère quand même aussitôt les vacances passées, retrouver un nouvel emploi.

N.B: le prénom a été modifié.

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