Télétravail des frontaliers : la mise au point du gouvernement
Publié
par
Aymeric Henniaux
le 13/09/2022 à 17:09
3 commentaires
Interrogée par les députés Marc Spautz et Laurent Mosar sur la comptabilisation des jours de formation effectués à l’étranger dans le quota global de journées prestées hors du Luxembourg permis à un travailleur frontalier, Yuriko Backes a profité de l’occasion pour faire une petite mise au point…
Les seuils de tolérance « n’ont pas été prévus » pour le télétravail
C’est, en substance, le message que souhaitait faire passer la ministre des Finances, empruntant le parfait chemin contraire de celles et ceux défendant l’idée d’augmenter la limite de jours travaillés dans son pays de résidence, sans pour autant devoir supporter une double imposition.
« Ces seuils de tolérance prévus dans les conventions de non-double imposition (…) que le Luxembourg a conclues avec ses trois pays limitrophes (…) n’ont pas été prévus expressément pour effectuer du télétravail par un travailleur frontalier », a tenu à (re)préciser Yuriko Backes.
À travers sa voix, le gouvernement entend ainsi rappeler formellement que « ces seuils constituent une exception aux principes généraux d’imposition des revenus d’emploi d’un frontalier et prévoient donc une « tolérance » afin de permettre à un frontalier d’exercer son emploi de manière ponctuelle dans son État de résidence ou dans un État tiers, notamment lors d’un détachement ».
Lire : Impôts Luxembourg : Le télétravail peut vous pénaliser
Priorité aux déplacements professionnels et aux formations
Au dire de la ministre des Finances, les 19 jours annuels pour les frontaliers allemands, les 29 (bientôt 34) pour les travailleurs français et les 34 pour les voisins belges auraient donc été établis « avec comme seul objectif de permettre à un travailleur frontalier des déplacements professionnels ainsi que des journées de formation en dehors de son État d’emploi (le Luxembourg donc) ».
Voilà pourquoi, en réponse à la question des députés Spautz et Mosar, les déplacements professionnels et même les journées de formation qu’un frontalier français, allemand ou belge peut effectuer dans son pays sont directement « pris en compte pour le calcul des jours du seuil de tolérance ».
Une position très claire qui s’inscrit à contre-courant de la dernière réunion de parlementaires lorrains avec le cabinet du ministre de l’Économie français, et qui risque de doucher de nombreux espoirs : nombre de frontaliers réclamant une révision du nombre de jours maximum autorisés à l’étranger, précisément pour pouvoir davantage télétravailler.
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tcordonnier
Prenons le problème à l'envers: pourquoi la France a-t-elle accepté de renoncer aux impôts des frontaliers (alors que certains députés plaident pour qu'on paie juste la différence), et pourquoi cette règle des 29 jours?
Pour le premier point, c'est clair que si le Luxembourg cesse d'être attractif, les lorrains préfèreront le chômage en France. Ou alors ils gagneront moins et consommeront moins de retour chez eux.
Pour le second point, c'est pour éviter que des entrepreneurs créent une entreprise "boîte aux lettres" au Luxembourg pour envoyer les employés sur les chantiers français, ce qui serait une concurrence déloyale vis à vis des entreprises installées en France.
Dans un sens le ministre a raison: ce n'est pas le télétravail qu'on voulait limiter, mais des abus manifestes qui n'ont rien à voir avec le télétravail.
Je serais donc favorable à l'idée de la France: on lève la limitation en échange d'un retour partiel des impôts depuis le Luxembourg (mais effectué par l'Etat, sinon les entreprises trouveront un prétexte quelconque pour ne pas le faire) et surtout, une définition très stricte du télétravail afin d'exclure des interprétations manifestement abusives.
Quant à la question des cotisations sociales soumises à une règle européenne, je rappelle qu'elle n'a pas fait obstacle à la directive Bolkenstein: pourquoi le plombier polonais paie-t-il ses cotisations dans son pays (vous allez pas me dire qu'il fait l'aller-retour tous les jours en avion quand même?) et pas celui qui franchit la frontière tous les jours? La règle ne se contredit-elle pas elle-même?
cdavreux
Attention que le problème n'est pas que fiscal. Personne ne parle de la partie sociale mais dans le cas qui nous occupe, c'est peut-être la plus importante. Si vous travaillez plus de 25% de votre temps dans votre pays de résidence, vous devrez payer vos cotisations sociales dans votre lieu de résidence.Ce sera aussi le cas si vous souhaitez bénéficier d'un split salarial.Cela signifie qu'au lieu de payer +/-30% (2X15%) de cotisations patronales et salariales, vous et votre patron allez devoir payer les cotisations bien plus élevées de votre pays de résidence (Belgique/France ou Allemagne).
Et cerise sur le gâteau, vous ne pourrez plus bénéficier des avantages sociaux luxembourgeois (allocations familiales, différentiel de remboursement de la mutuelle, retraite) ...... En gros, vous sortirez du régime de la sécu Grand Ducale.
Cette règle d'affiliation sociale est régie par l'Europe => à priori pas de possibilité d'exception pour les travailleurs luxembourgeois.
tcordonnier
Même dans ce cas ça reste absurde: n'est-ce pas sur ce forum que j'ai lu le cas d'un frontalier français qui allait devoir renoncer à une formation parce que sa longueur excédait le seuil de tolérance?
En plus la France ne demande pas une double imposition, elle propose de simplifier les démarches pour l'imposition séparée (split fiscal), c'est à dire qu'on paie des impôts au prorata dans chaque pays (et non la totalité dans chaque pays ce qui serait effectivement une double imposition). ça tombe bien parce que justement les employeurs essaient de faire croire que le split fiscal n'existe pas, alors qu'ils ne veulent juste pas s'embêter à le mettre en place...