2015-2024 : en moins de dix ans, le nombre de frontaliers en poste  au Grand-Duché aura doublé. Passant de 165.000 à 230.00 aujourd’hui… Et si longtemps, Français, Belges ou Allemands ont pu apparaître comme une « valeur d’ajustement » (pour reprendre les termes de Vincent Hein, directeur et économiste de la Fondation Idea), il serait sans doute temps d’aborder cette part majeure de la population avec un autre regard.

En effet, selon l’analyste, plusieurs enjeux à « l’alignement peu favorable » pourrait venir contrecarrer la machine “si bien rodée” du marché du travail luxembourgeois : un besoin d’effectifs supplémentaires ou de nouveaux profils ayant toujours trouvé jusqu’alors sa réponse juste au-delà des frontières.

Cela a fonctionné quand mine et sidérurgie connaissaient leur heure de gloire, quand banques et finances se sont développés pour fonder la Place que l’on sait, quand la tech est devenue essentielle, mais demain ? Pour Vincent Hein, il est plus que temps que les gouvernants et les chefs d’entreprises envisagent la « précieuse ressource » comme possiblement épuisable.

En cause : la difficulté à se loger même dans les régions limitrophes, l’assèchement du réservoir de main d’œuvre dans un cercle étendu autour du Luxembourg et le vieillissement même des populations (nationale et grand-régionale). Sans oublier la perte d’attractivité du pays comme « site employeur » pour certains métiers où la concurrence entre États est vive.

Et si le tocsin doit être sonné c'est que déjà un « tassement (voire une baisse) des navetteurs en provenance de Belgique et Allemagne » est déjà d'actualité. La France -et particulièrement le Nord-Lorraine- continuant elle à pourvoir à la progression des actifs, même si cette croissance a réduit la cadence depuis mi-2022.

Aussi Vincent Hein aligne-t-il une série de recommandations. Dont la première est de voir le Luxembourg commencer à se mêler de la politique de formation de ses voisins. En effet, s'il veut disposer "à portée de main" des qualifications nécessaires à son développement, le Grand-Duché ne pourra pas former à lui seul et dans bien des disciplines les salariés de demain. D'où l'appel à plus de «collaboration » en matière de formation dans un équilibre win-win.

La piste de l'offshorisation 

Il conviendrait, pour la Fondation Idea, à se méfier également du discours « tendant à relativiser l'importance du télétravail dans les préférences des actifs/entreprises ». Non, cette organisation du travail en distanciel n'est pas qu'un gadget proposé pour calmer les esprits ou reposer les frontaliers lassés de passer trop de temps dans les transports. C'est aussi la flexibilité que demande la Génération Z, celle qui arrive sur le marché du travail avec la ferme intention de renverser les équilibres vie pro-vie perso.

Si nombre d'employeurs ont intégré cette donnée, d'autres restent à convaincre tout comme le premier ministre Luc Frieden, guère pressé, semble-t-il, d'avancer sur ce point avec ses partenaires français, belges, allemands (et donc l'Europe).

Sans doute, le Luxembourg aurait-il aussi tout à gagner à se plonger dans les « dynamiques démographiques des territoires limitrophes ».  Histoire de savoir où les populations sont ou vont être en âge de travailler, quels seront les besoins réels en matière d'habitat, de transports, de qualité de vie pour conserver l'espoir qu'une partie de ces adultes viennent exercer au Grand-Duché, notamment dans des secteurs aussi essentiels que la Santé/Soins à la personne.

Cette connaissance fine des populations voisines permettra aussi d'avoir une vision sur leurs propres besoins de main d'œuvre dans le futur, et donc de mieux anticiper de possibles recrutements plus lointains.

En évoquant la piste où le Luxembourg ne se suffirait plus pour assumer sur son sol l'ensemble de ses activités, l'économiste en chef d'Idea invite aussi dirigeants politiques et chefs d'entreprise a déjà réfléchir aux « risques et opportunités des modèles  d’offshorisation de certaines activités économiques ».

 

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