En matière de protection des données, il y a un avant et un après 2018 au Luxembourg comme partout en Europe. Avant cette date, au Grand-Duché, toute mise en place d’outils de surveillance sur le lieu de travail devait recevoir l’accord de la CNPD. Depuis cinq ans, la législation a changé et l’employeur se doit d’analyser s’il ne va pas trop loin dans le contrôle de ses employés sans forcément solliciter l’avis d’une autorité.

Pas question pour autant que tout soit permis. Et Arnaud Habran, responsable du service Guidance à la Commission nationale pour la protection des données de le rappeler d’emblée : « L’installation de systèmes très invasifs restent illégale. Chaque entreprise du pays doit respecter les principes en vigueur dans l’Union mais aussi ceux du Luxembourg dont le Code du travail (art. L-261-1) est encore plus exigeant… donc gardien des libertés de chacun».

Ainsi, y a-t-il peu à craindre de voir son patron se muer en espion de chaque faits et gestes de ses employés. Une tendance pourtant observer aux Etats-Unis et au Canada, où le phénomène a été baptisé “bossware“. En effet, avec le télétravail, certains employeurs ont développé des craintes sur le comportement de leurs employés loin du bureau.

Des peurs ayant entraîné la mise en place ici d’enregistreurs de frappe sur les clavier d’ordinateur, de captures d’écran aléatoires, d’exploitation des webcams des PC (avec obligation de se brancher en mode video) et autre suivi des fréquences de connections aux messageries internes. Tout cela pour checker si chacun est bien à sa mission même en home-office…

Un but précis

« Chez nous, le principe de base reste le respect de la vie privée en toutes circonstances, compris dans les horaires de travail et quel que soit le lieu où la personne exerce», rappelle Arnaud Habran. Pas question donc d’exiger de ses salariés qu’ils branchent en permanence leur webcam dès qu’ils travaillent en distanciel. Par contre, on peut très bien envisager que l’entreprise installe un système de logging qui permettent de “justifier” de son temps de travail. Une pointeuse 2.0 en somme.

« En fait, l’employeur est tenu de clairement délimiter les finalités d’un éventuel contrôle (visuel,  informatique, screening). Oui, il a la possibilité de vérifier ce qui transite par votre boite mail mais si c’est pour vérifier que vous en diffusez pas des informations confidentielles de l’entreprises ou portant atteinte à la sécurité de son fonctionnement? Pas pour lire votre correspondance ! »

Sur ce point, la surveillance se doit d’être graduée (“progressive Kontrollverdichtung”). Autrement dit : l’employeur n’a pas le droit de contrôler ce qui transite de manière continue.

Il convient aussi de minimiser les données collectées. Juste ce qui est nécessaire et seulement pour le but recherché par le contrôle.

Réclamation = suspension

En principe, il ne peut exister de patron-espion agissant sournoisement. En effet, le principe de transparence sur les outils de surveillance s’impose au Grand-Duché. Cela signifie que la mise en place de contrôles (visibles ou non) doit obligatoirement faire l’objet d’une information. Collective auprès de la délégation du personnel quand il y en a une ou individuelle auprès de chaque salarié concerné.

Cette information peut se faire soit au moment de l’embauche (dans le cas d’outils en place avant le recrutement) soit avant la mise en action des systèmes d’inspection envisagés. « Une fois tenu au courant des intentions de l’employeur, saisir la CNPD pour demander si l’outil choisi et sa mise en action respectent le cadre légal est envisageable indique Arnaud Habran. Cela a un effet suspensif immédiat s’il s’agit d’une nouveauté d’ailleurs. »

La possibilité est offerte de saisie est donnée à la délégation du personnel, et aux salariés individuellement seulement en l’absence de délégation du personnel.

Modalité de fonctionnement, durée des contrôles, légitimité des craintes, conservation et usage des données recueillies : tout est alors analysé pour savoir si le boss ne se mue pas en “Big brother is watching you”. Si ce n’est pas le cas, feu vert est donné.

 

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