Que les trois principaux syndicats du pays ne soient pas du même avis que le ministre du Travail, voilà qui est coutumier. Que CGFP, OGBL et LCGB plient bagages au beau milieu d’un rendez-vous avec ce même ministre, voilà qui est déjà plus inédit… C’est pourtant ce qui est arrivé ce mardi 8 octobre lors d’un rendez-vous tout ce qu’il y a de programmé. Que s’est-il passé ?

Une nouvelle directive européenne sur le salaire minimum doit être transposée dans le droit national luxembourgeois. Il s’agit notamment de faire en sorte que davantage de travailleurs bénéficient d’une convention collective. L’UE souhaite qu’à l’avenir environ 80 % d’entre eux bénéficient d’une convention collective. Au Luxembourg, ce taux ne couvrirait que 53 % des salariés du Luxembourg aujourd’hui.

Aussi, une réunion du Comité permanent du travail et de l’emploi (CPTE) a été convoquée pour discuter de la mise en œuvre de cette directive. Autour de la table : représentants du gouvernement, des employeurs et des salariés. Le ministre du Travail Georges Mischo (CSV) devait y présenter son plan de promotion des conventions collectives. En fait, cette réunion aurait déjà dû avoir lieu le 24 septembre. Mais les syndicats avaient demandé plus de temps pour préparer une position commune.

« C’est la pire attaque contre le modèle social »

Ce 8 octobre, le ministre a fait part de sa volonté de permettre prochainement aux personnels de négocier et de signer des conventions collectives sans forcément l’appui des syndicats. Modalité qui reste impossible actuellement. On ne pourrait pas ignorer les évolutions de la société, a déclaré le ministre. Après tout, 56 % des représentants des travailleurs élus sont “neutres” (non-étiquettés en tous cas), c’est-à-dire qu’ils ne sont pas affiliés à un syndicat, a rappelé Georges Mischo.

Pour les syndicats, il n’en est absolument pas question. Sans le soutien des organisations syndicales, les salariés n’auraient pas le même pouvoir de négociation, soutient Nora Back, présidente de l’OGBL. Elle craint que les salariés soient mis sous pression pour signer une convention collective faible, qui ne leur apporte guère d’avantages au-delà du Droit du travail. Une détérioration des conventions collectives individuelles pourrait également avoir des répercussions sur les conventions collectives sectorielles, comme celle des Soins.

Aussi, la proposition de Georges Mischo était-elle apparue comme le reflet de la position du patronat luxembourgeois réclamant ce type de mesure depuis plusieurs années déjà. Rien que les syndicats ne puissent accepter !

« Lors de la réunion, le ministre a déclaré que la prise de position des syndicats n’apportait à ses yeux aucune plus-value et qu’il n’était là de toute façon que pour écouter les différentes positions — il prendrait ensuite seul une décision quelles que soient les positions défendues par les différentes parties au sein du CPTE », écrivent les trois syndicats OGBL, LCGB et CGFP qui ont donc choisi de claquer la porte de la réunion. « « regret » du ministre qui a fait part de sa surprise dans un communiqué.

Nora Back estime que l’attitude du ministre remet en question le modèle social luxembourgeois. Le président du LCGB Patrick Dury va même jusqu’à dire que « par l’approche du ministre, ce modèle est fini ». Il souligne qu’il ne s’agit pas d’un petit accrochage comme il peut y en avoir lors de négociations. « C’est la pire attaque contre le modèle social luxembourgeois que j’ai vue au cours des 30 dernières années », assure-t-il.

Dans une lettre, les syndicats se sont tournés vers le Premier ministre, Luc Frieden (CSV), réclamant le retour d’un véritable dialogue social. Après le couac de Georges Mischo déjà sur le congé collectif, voilà un nouveau faux pas qui pourrait lui valoir quelques recadrages. À moins que ses prises de position soient voulues par l’exécutif.

 

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