“L’effort de guerre” du Grand-Duché entraîne l’innovation
Publié
par
Patrick Jacquemot
le 06/10/2024 à 08:10
Ne cherchez pas un fabricant de chars, un fournisseur d’armement ou un constructeur d’avions de chasse au Luxembourg : cela n’existe pas. Pourtant, en terme industriel, la Défense est loin d’être un secteur négligé pour le pays. « Même si au Grand-Duché, on ne compte qu’une petite poignée d’entreprises purement axées vers la chose militaire, les retombées dans ce domaine touchent bien des acteurs », confirme Alexander Link, Defence Technology and Innovation Coordinator à Luxinnovation.
Ce sont ainsi une centaine d’entreprises, de start-up, de laboratoires de recherche qui gravitent autour de ce domaine d’activité. « D’ailleurs, une partie de mon rôle, va consister à faire comprendre à des industriels acteurs sur des marchés civils que leur savoir-faire peut aussi intéresser les Armées ». D’où notamment cette présence au plus grand salon de la Défense à Paris depuis 2022 ou la tenue, à Esch-Belval le 4 novembre prochain d’un Defence technology & innovation Day pour mettre en avant ces sociétés prêtes à servir aussi à l’équipement des troupes.
Ces dernières années, cet écosystème a d’ailleurs pris une importance nouvelle. Dans l’aspiration d’un budget du ministère de la Défense en (considérable) augmentation du ministère de la Défense. Ainsi, le Luxembourg qui consacrait tout juste 190 millions d’euros à cette section en 2014, lui octroie aujourd’hui 728 M€. Et ce n’est pas fini…
Des retombées collatérales
En effet, le Grand-Duché a promis à ses alliés de l’OTAN d’aller encore plus haut, jusqu’à 2% de son Revenu national brut. Autrement dit, une progression graduelle vers les 1,1 milliard en 2024 pour atteindre 1,4 milliard d’euros en 2030. Une bombe budgétaire qui verra non seulement le nombre de soldats luxembourgeois augmenter, leur équipement se moderniser, les champs d’intervention s’étendre.
« Mais il est clair que cet effort financier va aussi impulser quelque chose dans l’activité économique du pays », envisage déjà Alexander Link. Il n’y aura toujours pas de tanks, de missiles ou de Mirage made in Luxembourg certes, mais qui sait si, au travers de programmes de l’OTAN, des forces de l’Europe, des partenaires du BeNeLux un peu de savoir-faire du Grand-Duché ne va pas servir ici une Armée de Terre, là des forces maritimes, ailleurs dans le spatial ou la cyberdéfense… « C’est notre objectif ! », vise-t-on à Luxinnovation.
Ainsi, les industries du pays entrent petit à petit dans le rang du “double usage“. Servir les civils, réfléchir à une déclinaison possible dans le militaire. Et l’assaut a déjà commencé. Avec des sociétés comme Gradel qui, d’une expérience essentiellement dans le nucléaire, a réussi à convaincre des fabricants de satellites, de blindés, d’avions de guerre que ses matériaux (très) résistants et (très) légers pourraient leur être utiles. Même stratégie pour Eurocomposite dont les produits peuvent eux aussi servir un satellite militaire.
En première ligne
Elles sont rares et bien camouflées dans le tissu industriel mais les sociétés 100% dédiées à des activités de Défense existent bien au Luxembourg Ainsi, par exemple, ActInBlack est spécialisée dans les appareillages de vision nocturne. Il faut aussi parler de GovSat (joint-venture entre SES et le gouvernement luxembourgeois) qui doit concevoir les plans d’un satellite de communication sécurisée.
Pour Alexander Link, ce ne sont pas des commandes de l’Armée luxembourgeoise qui pourraient donc découler de l’augmentation du budget mais bien des retombées collatérales en matière de Recherche et Développement. « D’où l’importance pour Luxinnovation de faire connaître aux bons acteurs nationaux telle demande de telle Armée étrangère ou tel contrat lancé par un industriel déjà spécialisé auquel ils pourraient parfaitement répondre, même si au départ ils n’auraient pas eu l’idée. »
Entreprises, centres de recherche, incubateurs : Luxinnovation vise large. « Mais les progrès effectués pour la Défense doivent se traduire par des retombées grand public. Donc la R&D a tout intérêt à regarder ce qui peut aussi se faire dans ce domaine. Et plus on cherchera, trouvera, produira, plus la Défense sera porteuse de créations d’emplois au Luxembourg », conclut Alexander Link.
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