Des intervenants qui haussent le ton et un auditoire qui gronde, hue, siffle : voilà pour l’ambiance du rendez-vous commun tenu, jeudi à Luxembourg-ville, par les deux sections Commerce LCGB et OGBL. Pas de doute, le front syndical n’a pas l’intention de se faire discret face à ce que les deux syndicats considèrent comme des attaques de la part du Gouvernement de Luc Frieden. Cette fois, la cause de la colère tient dans le projet de loi déposé par le ministre de l’Économie offrant plus de flexibilité horaires aux boutiques et supermarchés du pays.

Pour l’instant, le mot d’ordre face aux propositions de Lex Delles ou de son collègue Georges Mischo, c’est « Pas touche ! ». Pas question ainsi pour les syndicats d’être d’accord avec « ce qui serait le régime d’heures d’ouverture le plus libéral de toute la Grande Région », comme le qualifie Tiago Afonso (secrétaire syndical LCGB).

Ce qui attend les 50.000 actifs du secteur, c’est notamment la généralisation possible des ouvertures des commerces de 5h à 22h en semaine, 5h à 19h les samedi, dimanche et jour férié. L’obligation de rester rideau baissée limitée à 3 dates dans l’année (1er janvier, 1er mai 25 décembre) sur les 11 fériés du calendrier…

« Ça voudrait donc dire une disposition quasi-totale du salarié, un renoncement à toute vie de famille, vie associative, sportives sorties, accès à la culture », tempête David Angel. Et le secrétaire central OGBL d’argumenter son opposition : « Allez dire à ce papa qui galère déjà pour faire garder ces enfants qu’il doit aller bosser à 5h ou rentrer vers minuit. Allez dire à cette caissière qui ne voit ses proches que le dimanche, qu’elle les verra encore moins bientôt. Allez dire à ces bénévoles qui entraînent un club que, demain, ça leur sera impossible… »

Car pour les syndicats, aucun doute qu’étendre les horaires d’ouverture des magasins, c’est mettre en péril l’équilibre vie professionnelle/vie privée. « Le patronat trouve comme excuse que cela se fait déjà dans d’autres secteurs (police, santé), oui mais désolé : qui meurt quand une galerie commerciale est fermée un dimanche ? Personne ! »

En s’opposant à cette réforme, les syndicats veulent clairement marquer leur rejet d’« un monde où l’on ne ferait que travailler et consommer ».

Pour Tiago Afonso, il est aussi important de faire passer le message que ces ouvertures XXL pourraient signer l’arrêt des petits commerces de détail, des indépendants. « Vous les voyez, eux, avoir les moyens de recruter du personnel en plus pour tenir la même plage horaire d’ouverture que la grande enseigne ou la multinationale en face ? Non ».

Et puis quid de la santé de salariés qui devraient se lever tantôt très tôt, tantôt se coucher très tard, avoir moins de repose entre une fin de service et une reprise d’activité ? « Rapidement, cela conduira à plus de fatigue, d’erreurs, d’accidents, de maladies et là l’État et le patronat viendront pleurnicher qu’il y a trop d’absentéisme… », commente la voix du LCGB.

Les syndicats réfutent aussi que des magasins ouverts plus longtemps seraient la réponse face à la concurrence du commerce en ligne. « Non, la réponse n’est pas d’exploiter d’avantage le commerce humain. Cela serait plutôt de miser sur ses qualités : l’écoute, le service, le conseil. » Tout comme OGBL et LCBG craignent que ces horaires extensibles ne soient pas un bon message envoyé à une main d’œuvre frontalière, notamment, qui commence à y regarder à deux fois avant d’accepter un poste au Grand-Duché.

« Notre force sera notre nombre, notre solidarité »

Mercredi, devant la Chambre des députés, ils étaient une cinquantaine de militants à interpeller les parlementaires. Jeudi, plus de 350 délégués ont monté un peu plus haut le volume de la contestation. « Et demain, notre force sera notre nombre et notre solidarité », haranguent les deux délégués avant d’annoncer de nouvelles actions.

En attendant la grande manifestation nationale du 28 juin, plusieurs dates sont déjà cochées juste pour interpeller les uns et les autres sur cette question des horaires dans le commerce. Une action pour la Saint Valentin le 14 février, des distributions de tracts dans les gares et centres commerciaux luxembourgeois et des environs dès la fin du mois, un piquet mobile le 7 mars, la participation à la Grève des femmes le lendemain (« car cette réforme va d’abord nuire aux femmes en situation monoparentale ») ou encore de la sensibilisation lors du Festival des migrations mi-mars…

Les opposants ont aussi l’intention de convaincre d’autres actifs de se rallier à leur cause. « Là, si ça bouge dans le Commerce, ça veut dire nécessaire que ça va changer pour les secteurs du nettoyage, du gardiennage, des transports publics… Faudra bien que toute la société s’adapte. » Ou pas donc.

 

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