J’aurais aimé ne jamais connaître le télétravail
Publié
par
EddyThaux
le 05/04/2022 à 06:04
5 commentaires
En 2017, après avoir travaillé quinze ans en Belgique et un salaire net de moins de 1 500 €, elle décroche un emploi au Luxembourg. Ca faisait des années qu’elle voyait tous les matins ses deux voisins et quelques uns de ses amis partir vers le Luxembourg, pour certains avant 7h chaque matin et souvent, elle réfléchissait pour elle-même.
Un emploi similaire pour 1 000 euros de plus et les allocations familiales
Quand son dernier fils a eu 16 ans, elle a commencé à envoyer quelques candidatures, et la voilà avec un CDI au Luxembourg et un salaire de 2500 euros net. Malgré les difficultés de circulation certains jours, elle parcourt ses 45 km avec l’impression enfin d’être payée à sa juste valeur. Pas le choix de prendre sa voiture car elle est amenée deux ou trois fois par semaine à se rendre chez des clients dans tout le Grand-Duché du Luxembourg. « Je faisais le même boulot qu’en Belgique, avec 1 000 euros de plus et les allocations familiales pour mes enfants plus élevées. J’avais l’impression d’être enfin payée pour mon travail ».
Deux ans de télétravail et des habitudes dont on ne se défait plus
En mars 2020, au premier confinement, elle s’organise tant bien que mal pour travailler de chez elle avec une connexion moyenne et toujours un dossier manquant.
Au cours de 2020 et 2021, durant la pandémie, entre les confinements, les obligations de télétravail et les cas contacts, elle prend de nouvelles habitudes comme des rendez-vous en visio, un rythme différent, sans stress de transport, sans temps perdu dans les bouchons et une nouvelle connexion internet !
A 45 ans, elle a l’impression d’avoir vieilli très vite et perdu une bonne part de son dynamisme.
Son patron lui demande de revenir à plein temps pour de bonnes raisons. En effet, les autres collègues sont tous revenus et sont présents notamment aux réunions. De plus, quelques clients ont été perdus car ils n’ont pas eu les conseils personnalisés en présentiel, habituellement dispensés par la société.
La fin du télétravail mais l’impossibilité de retourner au bureau
Le 3 janvier 2022, ayant été prévenue courant décembre de la fin du télétravail, après une nuit agitée, elle se réveille avec une angoisse comme elle n’avait jamais connu. Impossible de se lever sans risquer de faire un malaise vagal. Après quelques heures, elle décide d’envoyer un message à son patron pour lui dire qu’elle ne se sent pas bien et qu’elle ferait tout de même son travail depuis chez elle.
Le lendemain, bien décidée à ne pas se laisser aller, elle se prépare et monte dans sa voiture.
La frontière approche et elle voit les premiers ralentissements. Elle freine brusquement et l’automobiliste derrière l’évite de justesse mais klaxonne énergiquement. Elle redémarre « comme un zombie » , précise-t-elle, et prend la première sortie pour retourner chez elle. Le médecin la mettra en arrêt une semaine.
L’expérience du télétravail m’empêche de retourner travailler au Luxembourg
Depuis janvier, Carole n’est retournée à son bureau que quatre jours et a été en arrêt maladie à trois reprises (pendant une semaine à chaque fois). Elle a réussi à convaincre son employeur que c’était passager et qu’elle travaillait autant qu’au bureau. « Je suis en sursis. Je sais que le fait d’être en télétravail pose des problèmes pour mon patron, surtout vis-à-vis de mes collègues qui pour certains, aimeraient aussi avoir un jour ou deux par semaine en télétravail ».
Son médecin lui parle d’angoisse, de stress… elle qui n’a jamais connu une telle émotion : « Tant que j’étais dans le rythme, je ne me posais pas de questions. Je savais que la journée serait longue, sûrement ponctuée de bouchons mais j’aimais aller travailler. Maintenant j’angoisse. Je ne comprends pas pourquoi. Après pratiquement deux années en télétravail, je me sens mal à l’aise au bureau. Je crois que je n’ai plus envie d’être entourée de collègues qui sont pourtant vraiment sympas.»
« J’ai regardé les annonces d’emploi en Belgique mais les salaires sont tellement bas dans mon domaine…J’aurais aimé ne jamais connaître le télétravail et vivre normalement, avec des journées de travail normales ».
N.B. Si vous souhaitez faire partager votre expérience, et faire partie de nos portraits, contactez nous par mail [email protected]
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DaroN
'Statut de frontalier' pour moi ce n'est pas statut, juste une 'situation', en fait c'est même juste un choix personnel qu'il faut assumer. Et pas la peine de parler des prix de l'immobilier hein, il y a toujours moyen. On ne peut pas gagner sur tous les tableaux. Choix personnel, on assume les conséquences. Je suis résident, avec les avantages (lesquels ? Ils ont fondus, je me tâte à partir, loin) et les conséquences. Tout comme des droits impliquent des devoirs 😉
DaroN
'les plus équilibrés', 'sélection naturelle' je ne suis pas sur de comprendre le sens de ces mots dans votre message ?
loupblanc
Les conséquences psychologiques de cette pandémie affectent de plus en plus de salariés....pas facile de retourner au bureau après des mois à la maison loin des bouchons et des problèmes de trains ! Cela fait partie de la ´sélection naturelle ´...les plus équilibrés poursuivront leur carrière à Lululand, malheur pour les autres qui, seront soit virés où prendront la décision d'un confort de vie avec un salaire moindre !
Mods355
Depuis le milieu de l'année 2021 et encore plus depuis ce début d'année, nous observons dans ma société et chez nos clients une nouvelle tendance chez les employés privés frontaliers notamment ...
En effet, bien que très bien rétribués au GD, de plus en plus de gens franchissent le pas et quitte le Luxembourg... surtout sur des postes "très qualifiés" pour revenir dans leur pays de résidence ou ils trouvent des postes leur garantissant du télétravail à long terme dans des proportions qui les satisfassent.
Si le statut des frontaliers n'évolue pas vers plus de flexibilité, pour permettre une proportion de télétravail en adéquation avec les besoins et envies des gens, ce phénomène risque de s'accroite dans les mois qui viennent : recruter est devenu une mission quasi impossible dans certains secteur et ce, quelque soit le salaire proposé.
Raiisin
c'est le problème, c'est toujours TOUT ou RIEN. c'est assez rageant.
Je pense toujours qu'un bon télétravail 2 ou 3 jours semaine est bénéfique pour tous. En gros présentiel/télétravail à mi-temps chacun.
La transition aurait été moins abrupte.