Fabien vit dans une commune proche de Longwy depuis toujours. A la fin du collège, après la 3e, il intègre le Lycée des métiers du bâtiment de Felletin. A presque 18 ans, il obtient son CAP de tailleur de pierre et trouve tout de suite un travail dans une carrière. Les taches qui lui sont confiées sont basiques et pénibles. Elles consistent essentiellement à briser et charger les pierres après l’extraction dans la carrière. Pendant un an, Fabien regarde avec admiration ses collègues tailler le marbre ou le granit. Certains font des monuments funéraires, d’autres des sculptures pour les villes et toutes sortes de réalisations.

Il prend une décision importante et retourne à son ancienne école pendant deux ans pour passer un BAC professionnel dans les métiers de la pierre.

Après 27 ans en France, il trouve un poste au Luxembourg

A bientôt 22 ans, il obtient son diplôme et trouve un emploi dans une marbrerie. Il y restera 12 ans pour ensuite aller dans une société spécialisée entre autres, dans la restauration de monuments historiques. En 2013, la société qui l’employait depuis 13 ans ferme définitivement. L’entreprise familiale n’ayant trouvé aucun repreneur, les salariés sont licenciés.

Fabien a 48 ans, il trouve un poste quelques mois plus tard au Luxembourg dans le nord du pays. Il n’y restera que 6 mois. Ça ne passe pas très bien, et surtout il se sent exclu surtout parce qu’il ne parle que le français et que ses collègues ou les clients parlent luxembourgeois ou allemand.

De plus, il met chaque jour plus d’une heure pour aller au travail et autant pour le retour. Bref, après un entretien avec son patron, ce dernier le licencie. Après deux mois de préavis, il s’inscrit au chômage en France et à l’ADEM.

Il trouve un poste en France dans une société de vente de carrelage et pierre. Avec ses connaissances de la matière première, il est chargé des commandes. Fin 2020, la société connait des difficultés notamment à cause des problèmes d’approvisionnement, de la pandémie, des impayés… et réduit son personnel de 30 %. Parmi les derniers arrivés, Fabien n’échappe pas à la fournée des licenciés.

Pas de charges patronales

De nouveau au chômage, il s’inscrit à Pôle Emploi, mais aussi à l’ADEM. Il passe plusieurs entretiens jusqu’à ce jour où un jeune responsable des ressources humaines d’environ 25 ans lui dit :« Vous savez, à 55 ans il ne faut pas espérer retrouver un travail facilement dans votre métier. Peut-être qu’il faudrait envisager de changer d’orientation ».

Fabien avait postulé pour la réalisation de monuments funéraires. Il devait notamment  s’assurer de la faisabilité et superviser le travail des tailleurs (et aider si besoin). Il était certain d’avoir toutes les compétences. De plus, il se sentait vraiment en forme et surtout pas “vieux”, toujours actif et sportif avec les nombreux kilomètres qu’il avale chaque week-end sur son vélo.

« Je suis sorti de cet entretien dévasté. Bien sûr que j’étais conscient qu’à 55 ans c’était plus difficile de trouver un travail qu’à 25. Mais quand un jeune vous le dit en vous regardant droit dans les yeux, sans la moindre émotion, ça fait un choc. Pendant quelques semaines, je me suis apitoyé sur mon sort en me disant que c’était fichu pour moi, que je n’étais plus bon à rien. Et puis, grâce à ma femme et mes enfants qui m’ont soutenu tout le temps, j’ai décidé de ne rien lâcher. Peu importe le job, et où, je trouverai quelque chose. J’ai commencé par retourner à l’ADEM pour me réinscrire et j’ai passé toutes mes journées à envoyer des CV. »

Il a retrouvé un poste au Luxembourg, grâce à son âge ?

Fabien nous explique que dans sa lettre de motivation, il mettait en évidence le fait que son employeur pouvait bénéficier de certains avantages. Il pense que ça a joué quelque part.

Fabien a trouvé un poste dans un magasin de bricolage. Grâce à son âge, son patron est même remboursé de ses charges patronales. « Je ne sais pas si toute la France est comme ça ou si je suis juste mal tombé avec ce jeune recruteur, mais au Luxembourg, on m’a offert une seconde chance. Je ne suis pas vieux et je fais bien mon boulot. Je crois que mon patron est content de moi. Je ferai tout pour rester jusqu’à ma retraite. »

N.B. Le prénom a été changé


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