En moyenne, je bosse de 50 à 60 heures par semaine“. Patrick*, 47 ans, dirige une société de services à Luxembourg depuis une dizaine d’années. “En gros je dois toujours veiller à ce que le chiffre d’affaires augmente, que la société reste en croissance. Je gagne 10 000 euros par mois et environ 150 000 euros à l’année en comptant les bonus. Mon entreprise fonctionne avec une quarantaine de salariés. Pour me rendre au siège de l’entreprise ou pour aller voir des clients, je fais pas mal de kilomètres en voiture tous les jours. Mon métier, c’est d’écouter le client et ses objectifs puis de trouver les informaticiens compétents pour les exécuter. Ces deux tâches sont essentielles”.

Jetant régulièrement de brefs regards sur son smartphone ou son ordinateur, le frontalier français insiste tant sur la difficulté que la nécessité de dénicher de nouveaux talents. “Pour le recrutement, je consulte régulièrement des sites comme Monster, ou Linkedin et je passe en revue tous les profils qui m’intéressent. Il y a une pénurie de programmeurs de qualité, c’est devenu une denrée rare. Il faut prendre les meilleurs, être intransigeant lors des entretiens d’embauche. Avec la crise, les clients font monter la concurrence avec les pays offshore comme l’Inde ou le Portugal. Pour contrer cette tendance, je multiplie les séminaires, les rendez-vous. Il faut toujours montrer ce qu’on sait faire à la clientèle. Les personnes que j’embauche sont ensuite vendues aux clients. Dès qu’un employé travaille pour un client, on gagne en moyenne 400 euros par jour, selon ses compétences”.

Des patrons plus jeunes aux dents longues

Avec un rictus amer, l’entrepreneur dépeint un milieu hyper-concurrentiel, réglé sur la jeunesse et l’ambition. “Arrivés à la cinquantaine, les mecs comme moi se font virer et remplacer par des patrons plus jeunes, ils ont environ 30 ans, et surtout avec des dents qui rayent le parquet. Ça se produit de plus en plus. Le plus souvent, ces décisions proviennent des actionnaires de l’entreprise. Ça m’est déjà arrivé de devoir abandonner un poste de direction mais j’étais plus jeune. Aujourd’hui, si ça s’arrête à 50 ans, pour retrouver du travail après tu divises ton salaire par deux ou par trois“.

Pour se maintenir à son poste, l’expérience et le carnet d’adresse sont les meilleures armes d’un patron. “La meilleure façon de se protéger est d’entretenir son réseau, trouver sans cesse des clients avec de nouveaux projets. Le Luxembourg est un village. D’un côté tu gères ton réseau facilement et rapidement, tout le milieu est connecté. De l’autre t’as pas le droit à l’erreur, t’en fais une seule et tu sautes“.

“Mon métier ne s’arrête jamais”

Le visage fatigué et les sourcils froncés, le futur quinquagénaire avoue qu’il a du mal à couper avec son travail. “C’est difficile de décrocher. L’été, j’essaye pendant deux semaines de pas lire mes mails mai j’ai vraiment du mal. Avec ma famille par contre j’ai moins de difficulté, j’essaye de consacrer un maximum de temps à ma femme et mes enfants, dans la mesure du possible“.

Pour Patrick, il n’est pas question de faire un break ou de préparer sa retraire, seuls sa société et le travail de ses salariés lui importent. “Mon métier ne s’arrête jamais. On est dans un domaine où la technologie avance perpétuellement. Il faut pas s’endormir ou se laisser distancer. Nous on prévoit beaucoup, tout le temps. Il faut que la boîte soit tout le temps en pression, sinon ça dégage pas de marge et tout finit par s’effondrer“.

* ndlr : le prénom a été modifié