Y aurait quelque chose de pourri au Royaume du télétravail luxembourgeois ? En tous cas, à en croire une récente analyse de la Fondation Idea, il existe bien une inégalité dans cette pratique parmi les salariés du pays. Selon qu’ils vivent ou non au Grand-Duché, les uns et les autres n’auraient pas la même possibilité de prester des heures en dehors de leur entreprise. Et Daniela De Sousa Tomé d’affirmer ainsi que 20% des résidents pratiqueraient le télétravail plusieurs fois par semaine contre 3% des frontaliers en moyenne.

Un écart d’autant plus impressionnant qu’a priori la part de “télétravaillabilité” serait très proche entre les uns et les autres : 58% des fonctions assurées par des 273.000 employés luxembourgeois contre 52% pour leurs homologues ayant la France, la Belgique ou l’Allemagne comme lieu de résidence. Mais l’analyste ne peut que constater les  « freins administratifs et fiscaux » entravant la progression du “TT” parmi les quelque 230.0000 frontaliers en poste dans des entreprises ou la fonction publique luxembourgeoise.

Mais, aux yeux de l’analyste, il ne sera pas simple de lever ses freins. Il s’agirait même là d’un « chemin sinueux ». Cela même si nombre de personnels comme d’employeurs reconnaissent certaines “vertus” au télétravail, y compris en terme d’attractivité des postes proposés.

Et les pertes fiscales ?

Les 34 jours de télétravail autorisés sans déclenchement d’une fiscalité dans le pays d’origine font partie des facteurs qui entravent une pratique plus étendue du home-office parmi les frontaliers. Tout comme cette barre des 50% du temps de travail (112 jours) à prester au Luxembourg pour rester affilié à la Sécurité sociale nationale a pu ralentir le mouvement. Des règles qui ne concernent pas les résidents par contre.

Même la charge administrative impliquée par le reporting du télétravail des frontaliers par les entreprises pourrait constituer un des facteurs ayant ralenti la progression de la pratique. Les entreprises préférant ne pas insister sur ce volent plutôt que d’assumer une contrainte de paperasse supplémentaire.

Résultat, selon Idea, le télétravail plusieurs fois par semaine ne concerneraient que 🇩🇪4% des frontaliers allemands, 🇫🇷3% des français et… 🇧🇪2% des belges. Des salariés qui, nationalement, trouvent aussi des raisons pour ne pas pleinement demander à travailler depuis leur domicile.

Mais Daniela De Sousa Tomé aborde aussi un point qui, possiblement, a ralenti la progression du télétravail pour celles et ceux qui représentent plus de 40% des salariés en poste au Grand-Duché : la crainte du Luxembourg que certaines recettes fiscales lui échappent.

Le modèle franco-suisse

En effet, si cette main d’œuvre voisine venait à dépasser le seuil de tolérance fiscale (les fameux 34 jours), une partie de l’impôt sur le revenu ne serait plus perçue par le Luxembourg mais les différents états de résidence. Un manque à gagner d’autant plus conséquent que les personnes télétravaillant figurent aussi parmi les catégories les mieux rémunérées.

Pour Idea, sans ces entraves, « 7 fois plus de frontaliers pourraient télétravailler plusieurs fois par
semaine». Portant leur nombre de 6.800 à 45.000 ! On vous laisse imaginer le soulagement sur le trafic routier ou l’encombrement des trains… Sans même parler du meilleur équilibre vie privée/professionnelles pour ces salariés qui passent de plus en plus de temps dans les trajets.

Pour la Fondation, sans doute que se pencher sur les modalités mises en place sur le TT entre la France et la Suisse pourrait constituer une base d’évolution. Une sorte de modèle plus “gagnant-gagnant” que ce que Paris, Bruxelles, Berlin et Luxembourg ont choisi d’appliquer.

Ainsi, depuis l’été 2023, un accord a fixé à 40% le seuil de télétravail par an avant de déclencher une imposition dans l’État de résidence. Et une fois ce niveau dépassé une compensation financière de 40 % des salaires bruts liés au télétravail est reversée par le pays où est imposé en principe le frontalier. Autrement dit la France (et ses frontaliers) y gagnent sans doute mais la Suisse ne perd pas tant que cela.

Pareille proposition a été faite par Paris au ministre des finances luxembourgeois en avril 2024. Toujours pas de réponse !

 

Envie d’un nouveau job ?
Cliquez notre rubrique EMPLOI