La centrale de Cattenom pour chauffer Thionville et environs
Publié
par
Patrick Jacquemot
le 12/03/2025 à 17:03

La centrale nucléaire de Cattenom produit de l’ordre de 8% des besoins en électricité de la France. Le tout avec 4 réacteurs fort gourmands en eau. Un liquide puisé dans la Moselle voisine et qui sert à faire tourner les réacteurs après chauffage intense, puis au refroidissement des installations. « Une eau qui ensuite se disperse (sous forme de vapeur) depuis les tours réfrigérantes ou est rejetée à l’extérieur (après refroidissement). Mais à 60° C en sortie, cette eau pourrait être bien mieux utilisée ! ». Et le maire de Thionville, Pierre Cuny, a bien l’intention d’en convaincre EDF et ses voisins élus.
Dans sa tête, la vision est claire. Et se résume ainsi : « On récupère cette “chaleur fatale” (c’est le terme technique) pour l’injecter dans un réseau de chauffage urbain. C’est une énergie bien moins cher, bien moins polluante, que tous nos systèmes actuels ». Suffisait d’y penser…
À la vérité, l’idée n’est pas nouvelle. Déjà, du côté de la centrale nucléaire de Nogent-sur-Seine, la possibilité de valoriser cette chaleur “perdue” est à l’étude. « Sauf qu’ici, dans le nord Moselle, nous avons juste à proximité une concentration urbaine bien plus grande. Le projet aurait une toute autre dimension », s’enthousiasme Pierre Cuny.
« Un modèle vertueux »
En effet, entre les villages voisins de Cattenom et environs (27.000 habitants), la Ville de Thionville et la future grande agglomération (160.000 habitants), le territoire sur lequel les tuyaux pourraient apporter cette chaleur est vaste, et les possibilités de sorties multiples.
Tous ces degrés serviraient ainsi à réchauffer des bâtiments publics (gymnases, hôpitaux, sites communaux) mais également des habitats collectifs (grands immeubles). D’ailleurs, Pierre Cuny s’est déjà rapproché des bailleurs sociaux pour voir dans quelle mesure un branchement à ce réseau pourrait être envisagé. « Et d’ici peu, je rassemblerai les 22 maires de l’ère Thionville-Fensch pour voir ce qui est envisageable ensemble sur nos villes et plus petites communes. »
Pour quand ? L’échéance de 2035 est envisageable, selon l’élu. Mais pas question de s’enflammer, les “obstacles” sont devant. Il faudra le feu vert d’EDF (« mais ils ne sont pas opposés au principe a priori»), lever les questions de passage de cette tuyauterie XXL (« et bien voir combien on perd de degrés par km parcouru »), étudier qui mettra en œuvre ce dispositif et veillera à sa maintenance (service public ou délégation au privé).
Sans oublier la pérennité de la ressource. En effet, les centrales nucléaires ne sont pas éternelles. Les réacteurs avaient une durée d’exploitation initialement fixée à 40 ans (a priori 2026 donc pour l’unité n°1 de Cattenom, 2031 pour la “plus jeune” unité), le projet table sur une longévité prolongée au-delà de cette limite. Mais jusqu’à quand ? Pour l’heure, aucune certitude de la part d’Électricité de France ou de l’État.
Mais Pierre Cuny reste enthousiaste : « Nous proposons là un modèle vertueux ». L’énergie qui était gâchée jusque-là serait en effet utilisée pour le bien commun. Il y aurait moins de rejets chauds dans l’atmosphère et moins de soucis concernant les apports d’eau chaudes dans la Moselle qui jouent sur l’environnement de la Centrale. « En plus, cela donnerait une vision bien plus positive encore de l’activité nucléaire à nos populations. Peut-être même que nos voisins luxembourgeois seraient moins critiques sur ce point… »
À la source
Voilà quelques années déjà Pierre Cuny avait demandé à un bureau d’études de se pencher sur la possibilité de récupérer la “chaleur fatale” des sites sidérurgiques voisins de Thionville. L’exploitation de cette énergie depuis les usines Arcelormittal de la Vallée de la Fensch avait alors été étudiée. Une impasse en fait.
« L’étude a relevé deux obstacles. Déjà car le groupe industriel avait en tête d’exploiter lui-même cette ressource. Occasion de décarboner son activité. Mais aussi car la production de chaleur dépendait de l’activité et ne pouvait donc pas forcément être garantie sur le long terme», explique le président de l’agglomération Portes de France/Thionville.
La “piste” Arcelor a été abandonnée… et l’idée de Cattenom a surgi des eaux !
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