La dépénalisation du cannabis à usage récréatif a longtemps été évoquée au Luxembourg. Mais ce pas n’a été franchi qu’à l’été 2023. Depuis, les ménages luxembourgeois peuvent cultiver jusqu’à 4 plants de cannabis pour leur usage personnel. Et pour se procurer des graines, il existe une boutique en ligne luxembourgeoise : brocoli.lu.

Le site a été fondé par deux partenaires commerciaux. Les deux hommes, intéressés depuis longtemps par cette culture, ont vite pris le chemin d’Amsterdam ou Barcelone pour voir comment s’organiser le business des graines. « Nous avons longtemps plaisanté à ce sujet, raconte Tom, un des cofondateurs.  Puis, c’est devenu de plus en plus sérieux et nous avons fini par créer notre site web. »

Aujourd’hui, les deux amis gèrent leur commerce à côté de leur emploi à plein temps. Exploitant une spécificité : si d’autres magasins au Grand-Duché vendaient déjà des graines de cannabis, ils ne les expédiaient pas. Il s’agit le plus souvent de magasins commercialisant des accessoires de culture ou des ustensiles pour la consommation (comme des pipes) et qui ont ajouté les graines dans leur gamme.

Les banques trainaient des pieds

Le site doit répondre à environ 60 commandes par mois. « Ça a vraiment décollé quand le cannabis a été légalisé en Allemagne, explique Tom, qui est informaticien à la base. Environ 80 % des commandes viennent de là-bas. C’est une belle source de revenus. »

La création de brocoli.lu n’a pas été simple. La planification s’est déroulée de septembre à décembre 2023, avant de pouvoir lancer le site en mars 2024. Les banques, notamment, ont posé quelques difficultés aux entrepreneurs. « Bien que notre activité soit parfaitement légale, de nombreuses banques ne voulaient pas nous ouvrir de compte. Nous étions considérés comme clients “à haut risque” ».

Les deux hommes ont dû se renseigner auprès d’une bonne trentaine d’établissements, jusqu’à ce qu’ils trouvent la banque qui veuille bien accueillir leur société dans son portefeuille clients. Avec une déclaration sur l’honneur d’un avocat indiquant que leur business répondait bien aux règles en place au Luxembourg !

Au sein de la clientèle du site, Tom a pu noter que nombre de demandes provenaient de collectionneurs. Car il en va des plantes de cannabis comme du vin. Il y a des goûts différents et des essences populaires plus particulièrement recherchées. Lorsqu’une variété disparaît du marché, nombreux sont ceux qui veulent encore s’en emparer rapidement pour en profiter.

Il se trouve que les cultivateurs privés sont laissés en paix par l’État. Tom pense que cela est dû au fait que la grande majorité d’entre eux respecte les dispositions en vigueur (par exemple, n’avoir que 4  plants à la maison). Mais la loi peut encore être améliorée, selon lui.

Ainsi, la limitation à quatre plantes pourrait se référer à quatre plantes en floraison. Ainsi, les cultivateurs pourraient faire germer plusieurs graines et choisir quatre plantes à cultiver. Ou bien il pourrait être permis de conserver des plantes juste pour la production de graines, qui ne seraient pas intégrer dans le calcul.

« Il faut un concept global. Il ne faut pas oublier que beaucoup de gens vivent dans des appartements et n’ont pas de place pour cultiver du cannabis. » L’odeur intense pourrait en outre déranger les voisins si les cultivateurs ne font rien pour l’éviter. « Il manque des points où les consommateurs peuvent acheter et même consommer du cannabis légalement s’ils n’ont pas la possibilité de le faire chez eux », explique Tom.

Il est conscient que cela est difficile à mettre en œuvre dans un pays où il y a beaucoup de frontaliers. Il faudrait alors régler la situation de manière à ce que seuls les résidents puissent acheter (cette idée a déjà été évoquée par le passé, car le Luxembourg craignait d’avoir des ennuis avec les pays voisins).

Tom conseille aux personnes voulant se lancer dans la culture de leur propre cannabis de bien s’informer sur Internet. « On y apprend tout, de la germination au curing ! » Il conseille toutefois de ne pas compliquer les choses. Il existe aujourd’hui des mélanges d’engrais prêts à l’emploi qui ne nécessitent pas de « connaissances en chimie », ainsi que des lampes de culture et des tentes faciles à utiliser. Ceux qui veulent cultiver à l’extérieur, dans leur jardin, doivent toutefois faire attention. D’une part, en raison de la météo. D’autre part, parce que les plantes ne doivent pas être visibles depuis la voie publique.

La genèse de la loi luxembourgeoise

En juin 2018 déjà, le législateur luxembourgeois a autorisé l’usage du cannabis médical pour le traitement de certaines pathologies. Après avoir été confirmé lors des élections d’octobre 2018, le gouvernement LSAP, Verts et DP a annoncé son intention de réglementer le cannabis récréatif – et a inscrit le projet dans son accord de coalition.

Les premières idées ont vu le jour avec les ministres de la Santé d’alors, Étienne Schneider, et de la Justice Felix Braz. L’idée de départ consistait à s’inspirer du “modèle canadien”. Les deux ministres se sont même rendus au Canada pour étudier le principe. Le projet était alors de créer des points de vente où les consommateurs pourraient acheter du cannabis auprès de cultivateurs agréés.

Finalement, la loi sur l’usage récréatif du cannabis a été votée en juin 2023 (juste avant les élections). Au final, elle ne réglemente pas le commerce du cannabis. En revanche, elle autorise la culture de 4 plants maximum par foyer à partir de graines ainsi que la consommation à domicile. L’amende pouvant aller jusqu’à 2.500 euros pour la possession et le transport de petites quantités de moins de 3 gr a été remplacée par une contravention de 145 € (si aucune circonstance aggravante ne vient s’ajouter).

 

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