Le port de Mertert touché… mais pas coulé
Publié
par
Yves Greis
le 05/02/2025 à 12:02
Après l’accident survenu à l’écluse de Müden sur la Moselle, le Port de Mertert vient d’effectuer une traversée du désert (si le terme peut s’adapter au trafic fluvial). En effet, 55 jours durant aucun bateau venant du Nord de la rivière n’est venu accoster sur les quais où, habituellement, plus de 5 péniches sont accueillies chaque semaine… Mais la catastrophe a pu être évitée, assure Gilles Braquet, directeur de Luxport S.A. Mais certaines entreprises du site ont bu la tasse.
« Dans le port, le transport tant des produits sidérurgiques que des marchandises en vrac a été réorienté vers d’autres modes de transport (trains, camions), explique le patron de l’opérateur portuaire. En janvier, nous aurions dû recevoir 30 péniches. Eh bien, pas une n’est arrivée et leur cargaison a dû être véhiculée autrement. ». Environ ¼ des volumes ont ainsi rejoint ou quitté le Luxembourg par la route, et ¾ par le rail.
Ce changement n’a pas été sans conséquence. Car un bateau peut transporter jusqu’à plus de 3.000 tonnes de marchandises, soit l’équivalent de 150 poids lourds… Résultat, certains clients ont dû s’organiser pour décharger 50 camions contre une péniche… Sans parler de l’exceptionnelle autorisation émise par le Grand-Duché pour que, même le dimanche, les transporteurs routiers puissent sillonner le pays pour livrer ou prendre en charge des matériaux privés de Moselle.
Aucun repos
Toutefois, le port de Mertert et les entreprises qui y travaillent (Tanklux, Bétons Feidt par exemple) n’ont pas connu d’arrêt le temps que l’écluse endommagée reprenne du service, ce 1er février. « Nous avons continué à avoir un bon taux de remplissage. Au lieu de charger sur des péniches, les personnels ont rempli des camions ou des wagons ».
Luxport SA a toutefois dû avoir recours au chômage partiel – pour certains salariés en charge des containers. Mais aucun des quelque 300 employés de la société n’a perdu son emploi à cause de cet incident inédit depuis que le Port est entré en service voilà 61 ans.
« Très clairement, il y a une baisse du chiffre d’affaires parce que tout n’a pas été envoyé par le port, ne cache pas Gilles Braquet. Certains clients ont envoyé le transport directement de leur point de production à leurs clients, sans passer par nous. Ces commandes et donc le chiffre d’affaires sont perdus ».
Mais les aires de stockage du port de Mertert ont prouvé toute leur importance auprès de nombreux partenaires. Les stocks disponibles dans les divers entrepôts, silos et tas de ferraille du site ont pu servir de tampon. « Cela a permis à nos clients de ne pas se retrouver à sec. Et puis, même ceux qui ont fait venir leur approvisionnement par train ont conservé leur réserve ici ».
Reste que si les dégâts financiers resteront « limités », cela reste dû à la rapidité avec laquelle les autorités allemandes ont réussi à réparer l’écluse endommagée. « Cela n’a duré “que” de la mi-décembre au 1er février. Si la coupure avait duré jusqu’en mars, comme annoncé à l’origine, les problèmes auraient été d’une toute autre ampleur… »
Gilles Braquet ne veut toutefois pas minimiser les dommages causés à l’économie. Certes, aucune activité au Luxembourg n’a dû fermer ses portes ou stopper sa production faute de péniches à Mertert, pas plus que les stations-service n’ont été privées de carburants . Néanmoins, le passage au rail et à la route a entraîné des coûts supplémentaires. En Euro/tonne, le transport fluvial par la Moselle est « clairement » moins cher que par la route. L’industrie luxembourgeoise (et pas seulement elle) a donc dû mettre la main à la poche. « Mais personne ne peut encore chiffrer le préjudice. »
Désormais et à court terme, l’unique port marchand du Luxembourg s’attend à une vague d’activité plus forte que la moyenne. « Les marchandises qui étaient en attente, côté allemand, sont maintenant livrées ; il faut s’en occuper. »
Enquête en cours
Tout comme il convient de prendre en charge les produits en acier livrés en pièces à Mertert et qui y sont soudés ensemble (comme des poutres de 47 m de long destinées à l’exportation). Ces commandes étaient restées en suspens car seules les péniches peuvent les transporter du fait de leur longueur, il faut les expédier désormais.
Après l’accident (dont les circonstances font d’ailleurs toujours l’objet d’une enquête), des voix s’étaient élevées pour réclamer l’aménagement de double-écluses sur cette autoroute fluviale qu’est la Moselle. Gilles Braquet se rallie à cette idée. Sur les 12 écluses ponctuant la Moselle du Rhin à Luxembourg, seules 3 disposeraient d’un deuxième bassin d’écluse. Cela signifie donc que le trafic s’arrête si un des compartiments tombe en panne ou fait l’objet d’une maintenance.
Le projet d’agrandir également les 9 autres écluses est sur la table depuis longtemps. Cependant, il aurait toujours été freiné. Un tel aménagement représenterait un investissement énorme, d’où l’idée de trouver une aide européenne pour cette voie d’eau, si importante pour l’industrie européenne. « Il est important d’établir cette résilience sur la Moselle. »
Pour Gilles Braquet, cet épisode a montré que le port de Mertert peut tout à fait faire face à la défaillance d’un mode de transport, même si ce n’est pas optimal. « Il s’agit maintenant de montrer que la navigation a de l’avenir sans oublier que c’est un moyen de transport écologique. ».
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