Transformation, fusion ou scission transfrontalière : on en reparle dans 1 an
Publié
par
Patrick Jacquemot
le 31/01/2025 à 16:01
« Il ne fallait vraiment plus tarder. Nous étions arrivés au bout du temps imparti, après c’était la sanction !» La députée Stéphanie Weydert le reconnait si, fin janvier, les députés ont adopté le projet de loi 8053 c’est sous la pression du chrono. « Mais l’on sait que le texte est bon… mais très perfectible », commente sans complexe l’élue CSV. Eh oui, si le Luxembourg discute depuis 2021 de cette intégration du texte d’une directive européenne visant à mieux encadrer les transformations, fusions ou scissions transfrontalière de sociétés, les articles approuvés désormais sont loin de le satisfaire.
Certes, le texte approuvé a intégré quelques oppositions formelles dictées par le Conseil d’État, mais de l’aveu même de la parlementaire, « il y a encore bien d’autres remarques intéressantes (dont celles de la Chambre des notaires) dont nous n’avons pas encore pu tenir compte ». Il y a par exemple à réécrire des passages sur le contrôle anti-abus ou cette notion de “soupçon manifeste” et tant d’autres points.
Aussi, deux jours avant de voter le texte, une motion était approuvée. Parole : après un an d’application de la loi en question, les députés s’engagent à effectuer une « évaluation qualitative » du texte une fois confronté à la réalité.
La “CRDS” en stand-by
Un droit de révision dans un délai aussi court, voilà qui reste rare (voire unique). « Les lois sont imprimées et finalement pas gravées définitivement dans le marbre. Je trouve d’ailleurs cela plutôt sain qu’un Parlement puisse reconnaître ses faiblesses législatives et les corrigent vite ! », note Stéphanie Weydert.
Mais il est vrai que si les députés se repencheront aussi vite sur la retranscription de la directive, c’est qu’elle impacte l’activité économique et financière du pays.
Ainsi, de 2020 à 2023, ce sont environ 755 fusions transfrontalières qui ont été gérées depuis le Grand-Duché, sans oublier les 1.534 transferts de sièges d’entreprises qu’il a fallu aussi avalisés. « Et le bon contrôle de ces “mouvements” tout comme le respect de la facilité d’établissement des sociétés au sein des pays de l’UE peut faire le bonheur ou le malheur de la Place financière… » D’où “l’impatience” déjà affichée à bien clarifier la loi du 25 janvier 2025.
Pourtant, si cette fois, le texte a été adopté à la va-vite, il est une autre directive européenne à intégrer dans le Droit national qui, elle, devra attendre au-delà de ce que la Commission et le Parlement avait fixé. Il s’agit du texte sur la CRDS, la Corporate Sustainability Reporting Directive. « Mais là, ce sont les élus européens qui sont sans doute allés un peu trop vite… », ironise Stéphanie Weydert.
En effet, l’obligation faite à toute entreprise de l’Union de publier chaque année un rapport annuel sur leur durabilité selon des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance est tout sauf bien accepté par le milieu entrepreneuriale. Car si les grandes sociétés sont rodés à ce type d’analyse, les PME n’ont vraiment pas que cela à faire… Et récemment encore, la Fédération des industriels luxembourgeois (Fédil) l’a rappelé au Premier ministre.
Luc Frieden en a convenu : ce millier d’informations (!) a collecté en interne ou à mesurer auprès de ses sous-traitants ou fournisseurs relève de l’impossible pour certains “petits” patrons. D’ailleurs il a d’ores et déjà annoncé que le Luxembourg ne travaillerait pas sur ce texte mal-né, inadapté aux réalités du terrain.
D’ailleurs le Grand-Duché n’est pas le seul État à rester perplexe face à la directive de reporting, 7 autres parlements n’ont toujours pas retranscrit le texte dans leur Droit. Alors que chacun plaide pour plus de simplification administrative (au bénéfice des citoyens comme du business), il y a là une copie à revoir.
La Commission européenne a entendu le message, et promis de modifier d’ici deux mois sa directive (votée il y a deux ans). « Nous attendrons donc des articles améliorés avant que le Parlement luxembourgeois se décide, précise Stéphanie Weydert. Nous n’allions pas faire pour défaire un trimestre plus tard ! » Décidément le pragmatisme est à la mode chez les parlementaires.
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