La Région Grand Est a ceci de particulier : elle avoisine avec quatre pays. Et comme 🇨🇭Suisse, 🇩🇪Allemagne, 🇱🇺Luxembourg et Belgique sont avides de main d’œuvre, c’est tout naturellement vers la France que les recruteurs se tournent. Mais combien ces frontaliers français font-ils de chemin pour rejoindre leur chantier, leur usine, leur bureau ? L’Institut national de la statistique (INSEE) a la réponse, mieux la tendance au fil des années.

Et le moins que l’on puisse dire c’est que les navetteurs parcourent des distances de plus en plus longues pour aller travailler à l’étranger. Ainsi quand un salarié lambda d’Alsace ou Lorraine se situe généralement à 14,9 km de son travail, son homologue frontalier au Grand-Duché a 38,4 km qui l’attend. « Soit 2,5 fois plus que son voisin donc !», souligne Rémi Charrier, un des auteurs de l’étude de l’INSEE avec Loïc Rousseau

Le chiffre est issu de l’analyse des données du recensement. Chaque citoyen devant indiquer son lieu de vie et son lieu de travail, le calcul est simple. Et comme ce même indicateur est demandé depuis des années, les analystes ont pu constater que cet éloignement ne cessait de progresser : +2 km entre 2010 et 2021.

Le “Bossolux automobilis”

Au passage, aucune raison d’espérer qu’en 3 ans, le phénomène ne se soit pas poursuivi. Plus de main d’œuvre frontalière lorraine attendue au Grand-Duché, des territoires de vie bien occupés ou au prix de l’immobilier en hausse poussant les nouveaux venus à s’installer de plus en plus loin.

Dans le cas spécifique des frontaliers du Luxembourg, il apparaît aussi qu’un quart d’entre eux vivent à plus de 50 km de leur lieu de travail. « Ce qui est une proportion bien plus importante que ce que l’on peut constater dans les relations avec l’Allemagne ou la Suisse », jauge le statisticien. Et c’est cette proportion “d’éloignés” qui a le plus augmenté ces dernières années.

Contrairement, par exemple, au cas des navetteurs qui rejoignent des entreprises à Bâle ou Genève, les frontaliers lorrains n’ont pas juste à se contenter d’atteindre la frontière. Pas de “transboarder city” par ici, « Luxembourg-ville concentrant beaucoup d’emploi, il y a encore une vingtaine de kilomètres à parcourir une fois cette limite territoriale passée… Alors qu’en Suisse, les deux villes citées ont la France en banlieue quasiment ».

Pour l’INSEE Grand Est, une des conclusions de l’étude tient aussi dans la “sur-utilisation” de la voiture comme mode de déplacement pour les frontaliers de la Région.

Si la situation est particulièrement vraie pour celles et ceux disposant d’un contrat de travail en Belgique, elle l’est pour les salariés frontaliers du Luxembourg qui, à 🚗84%, circulent en auto entre chez eux et leur travail.

« Du coup, l’empreinte carbone des déplacements maison-travail des frontaliers s’en ressent, note Rémi Charrier. Individuellement, cela représente 1,6 tonne d’équivalent CO2 rejeté (contre 0,7 t pour un non-frontalier)…)

Mais dans le même temps, ces “Bossolux” sont aussi plus fréquemment usagers du train (et des bus). Pour 🚆15%🚍 d’entre elles et eux, ils sont ainsi adeptes des transports en commun quand les travailleurs non-frontaliers sont moitié moins nombreux à prendre.

Un pas de côté

Les données de l’INSEE sont-elles à prendre en considération ? Bien entendu, le recensement en France, c’est du sérieux ! Peut-on les remettre en cause ? Oui, car le constat ci-dessus s’arrête à… 2021. Depuis, la “masse” des frontaliers Grand Est au Grand-Duché a progressé de plus belle, pour s’établir à environ 125.000 Français. Soit près de 18% de plus que les chiffres retenus dans l’analyse présenté ce 28 novembre 2024.

Cela signifie bien plus de personnes se déplaçant vers le Grand-Duché, et bien plus d’employés à loger en périphérie du pays, et cela de façon toujours plus éloignée donc. D’où sans doute une accentuation du kilométrage actuel réellement effectué de la part des salariés venant de Meuse, Meurthe-et-Moselle et Moselle pour rejoindre leur poste au Luxembourg.

Et puis, dans la mobilité du quotidien, il n’y pas a “pas que la taille qui compte”. Sans doute une étude plus pertinente sur le sujet doit-elle prendre désormais la durée du transport et le confort qu’il procure ou non (bouchon, stress, incertitude d’horaires d’arrivées, impact sur la vie privée).