L’angoisse scolaire a aussi fait sa rentrée
Publié
par
Yves Greis
le 24/09/2024 à 12:09
Aujourd’hui, les élèves souffrent de plus en plus d’anxiété et de stress. Une observation que partage Nathalie Keipes. Elle est la directrice du Centre psycho-social et d’accompagnement scolaires au Luxembourg (CePAS). Depuis la fin de la pandémie COVID, l’angoisse est ainsi devenue la principale raison pour laquelle les élèves consultent les services psychologiques dans les écoles du pays.
Des études scientifiques confirment également cette tendance partout ailleurs. Une enquête de l’Organisation mondiale de la santé, qui examine régulièrement le bien-être des élèves, a notamment constaté que l’appréhension des élèves à se rendre en classe augmentait.
Lorsqu’un élève en arrive au point d’avoir spécifiquement peur d’aller à l’école, on parle souvent de phobie scolaire. « De tels élèves devraient être pris au sérieux », assure Nathalie Keipes. En effet, pareil comportement n’est pas dû à une quelconque paresse du jeune ou une volonté de ne pas apprendre. Le mal est plus profond.
Un rejet qui peut en cacher d’autres
« Lorsqu’un élève ne veut pas se rendre en cours de manière répétée, cela peut avoir plusieurs causes », explique la responsable du Cepas – et ce n’est pas toujours à cause du système scolaire en soi. Il arrive, note Mme Keipes, que des enfants ne veuillent retourner vers le lieu d’enseignement parce qu’ils subissent des violences au sein de leur famille, certains se sentent obligés de protéger leurs frères et sœurs ou l’un de leurs parents en restant à la maison. L’élève lui-même n’en est d’ailleurs pas forcément conscient mais réagit en “rejetant” l’école.
D’autre part, il peut arriver qu’écoliers, collégiens, lycéens et même étudiants ne se sentent pas bien à l’école. Soit parce qu’ils ont des problèmes avec le niveau d’enseignement, soit parce qu’ils sont socialement exclus, qu’ils ont une faible estime d’eux-mêmes ou qu’ils sont même victimes de harcèlement.
Si ensuite la famille ou l’entourage n’offre pas ou ne peut pas assumer le soutien nécessaire (comme proposer des leçons de rattrapage), les jeunes concernés par cette crainte du milieu scolaire peuvent vite décrocher.
« Cela ne signifie pas pour autant que tout élève dont les parents travaillent et ne peuvent pas étudier avec lui développera automatiquement une phobie scolaire », commente Nathalie Keipes. De nombreux autres facteurs joueraient un rôle comme les difficultés linguistiques ou les soucis rencontrés dans différentes matières.
La phobie scolaire
La phobie scolaire désigne une peur intense de l’école. Ses conséquences peuvent inclure aussi bien des symptômes physiques (sueurs ou vertiges), des troubles du sommeil, une instabilité émotionnelle et, chez les plus petits une angoisse de la séparation d’avec les parents et les proches.
La phobie scolaire n’est pas reconnue comme un trouble distinct dans les classifications médicales telles que le DSM-5 ou le CIM-10. Cette “peur” figure parmi les troubles anxieux généralisés, la dépression ou les troubles anxieux sociaux.
Mais en quoi d’ailleurs l’épisode Covid a-t-il développé ce phénomène ? « C’est en raison de l’isolement qu’a créé l’épidémie. Le temps des confinements, des cours en distanciels, les jeunes se sont retrouvés coupés de leurs contacts sociaux », explique Nathalie Keipes.
Si toute la société a alors été soumise à un stress important sur la période 2020-21, la jeunesse a été moins résiliente. Même lorsque les écoles ont rouvert leurs portes, cela s’est accompagné de beaucoup d’incertitudes ce qui n’a pas réconforté les plus inquiets des élèves et des adolescents. « La santé mentale des jeunes, qui étaient déjà plus vulnérables, a donc particulièrement souffert ». Et de qualifier l’épidémie d’« accélérateur » de la phobie scolaire.
« De manière générale, nous avons une génération qui résiste moins au stress », ajoute la responsable. Une des raisons serait à trouver dans la façon dont les parents élèvent leurs enfants. Garçons et filles seraient ainsi “sur-protégés”.
Une autre raison est l’utilisation des smartphones. Les réseaux sociaux poussent les jeunes à se comparer constamment, à vouloir obtenir le plus de like possible. « De tels phénomènes poussent à un stress généralisé ». L’éco-anxiété – la peur de ne plus avoir d’avenir en raison de la détérioration de l’environnement – est un nouveau phénomène qui vient s’ajouter à la liste des “facteurs aggravants”.
Ne pas déprécier une génération
La directrice du CePAS met toutefois en garde : pas question de dénigrer cette nouvelle génération. Après tout, les élèves sont aussi très engagés, par exemple dans des organisations de jeunesse ou des start-ups. Tout dépend de l’angle sous lequel on regarde ces futurs adultes donc.
Le diagnostic d’une phobie scolaire doit être laissé à un spécialiste. Si le professeur principal constate qu’un élève ne vient pas à l’école, il est important qu’il réagisse. Les services compétents doivent alors se rapprocher du jeune, de ses parents et clarifier l’origine du mal-être.
Des mesures appropriées peuvent alors être prises. Par exemple en autorisant l’élève à travailler temporairement seul depuis son domicile s’il ne se sent pas à l’aise en classe. Lors de l’accompagnement, un psychologue pourra alors déterminer s’il s’agit effectivement d’une phobie scolaire ou non.
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