Ce n’est jamais bon signe quand l’Autorité de la concurrence du Grand-Duché décide d’investiger… Dernièrement, elle s’est ainsi penchée sur l’organisation du marché du gardiennage au Luxembourg par exemple. Mais, en 2022, c’est au secteur de l’immobilier résidentiel que ses enquêteurs se sont intéressés. Juste histoire de comprendre pourquoi cette branche progressait tant alors que le pays souffrait d’un manque de logements de plus en plus  criant.

De cette auto-saisine vient de sortir un rapport d’une centaine de pages. Document oh combien intéressant et qui tente de faire la lumière sur les pratiques des 1.105 entreprises luxembourgeoises actives dans la réalisation et la vente d’appartements et maisons. Une activité ayant dégagé, en 2020, un chiffre d’affaires de 2,4 milliards d’euros.

Sur ces recettes, l’Autorité de la concurrence note d’ailleurs qu’elles ont été multipliées par 2,7 (hausse de 270% donc!) en dix ans seulement. Soit non seulement bien bien plus que le coût de la vie au Luxembourg, plus que les prix du foncier (+ 7% par an en moyenne sur la période), plus que le coût d’un logement neuf (+ 5,7% sur la même décennie). Une progression surtout bien plus forte que celle du nombre d’habitats produits dans le même temps.

Concentration & concertation

Pas étonnant alors que sur un marché aussi prospère, le nombre d’entreprises référencées ait quasiment triplé sur les dix ans passés à la loupe par l’Autorité…

Depuis, les années Covid, la reprise de l’inflation, la hausse des taux d’intérêt ont mis un coup de frein à ces “golden years“. En témoigne la crise qui affecte le secteur de la construction aujourd’hui, et donc logiquement l’immobilier grand-ducal aussi. Les quelque 1.600 recrues du secteur (dont nombre d’indépendants) craignant pour leur avenir.

Au regard de la situation, l’Autorité de la concurrence a choisi de signifier une dizaine de recommandations. Des préconisations sur lesquelles elle n’entend pas faire de commentaires et qu’elle destine aussi bien aux professionnels du secteur qu’au politiques luxembourgeois.

Dans ses remarques, l'Autorité n'hésite toutefois pas à parler de « trucages des offres » lors de certaines ventes de biens, et "recommande" de toiletter les procédures d'appels d'offres ou de mises aux enchères. Elle suggère, par ailleurs, de revaloriser et réguler la profession d’agent immobilier. Un avis déjà émis par la Chambre immobilière mais qui tarde à rentrer dans les faits.

Au passage, l'Autorité tacle d'ailleurs les employeurs nationaux, estimant qu'ils se concertent sans doute pour maintenir des bas salaires. Et cela quand derrière un seul nom de groupe (et donc une politique salariale) ne se "cachent" pas des sociétés sœurs. Certains groupes "possèdent" ainsi jusqu'à une centaine d'entreprises satellites.

La commission insiste également pour plus de transparence dans les modes de calcul des commissions redistribuées aux agences. Si le taux moyen approche les 3%, il est parfois difficile de savoir comment a été évaluée cette prestation.

Les banques sont elles aussi dans le collimateur du rapport. Leur est reproché de disposer d'un monopole à l'égard des garanties d'achèvement qui nuirait à l'activité des entreprises d'assurances. Elles ne sont en rien "coupables" de cette situation puisque ce droit leur est accordée par une loi en contradiction avec les textes de la Constitution. Là aussi, les députés devraient toiletter la législation. « A abolir » même selon l'Autorité.

Enfin, les promoteurs sont -gentiment- « invités à rester attentifs au respect des règles de concurrence applicables en matière de coopération » . Qu'en termes élégants, ces choses-là sont dites, non ?

 

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