La Belgique loin devant le Luxembourg sur les violences faites aux femmes
Publié
par
Sarah G. Melis
le 10/07/2023 à 17:07
C’est une première historique en Europe. Le Parlement belge a adopté le 29 juin 2023 à Bruxelles le texte de loi baptisé « Stop féminicide ». Cette loi, qui comporte un ensemble d’instruments de protection des victimes propose une définition précise du féminicide et des violences qui peuvent le précéder, à savoir les violences sexuelles, psychologiques et le contrôle coercitif.
Le texte belge reconnait en outre quatre types de féminicides :
- le féminicide intime : perpétré par un partenaire,
- le féminicide non intime : par un tiers (lorsqu’une travailleuse du sexe est tuée par un client par exemple),
- le féminicide indirect : survenu après des faits de violences (dans le cas, entre autres, d’un avortement forcé ou suite à des mutilations génitales),
- l’homicide fondé sur le genre : lorsqu’un homme transgenre meurt dans un contexte de violence du partenaire.
Que prévoit cette loi ?
Pour mieux chiffrer les féminicides, la loi « Stop féminicide » envisage la création d’un comité scientifique chargé d’analyser les féminicides et les homicides fondés sur le genre.
Elle prévoit en outre une collecte de données et deux publications :
- Un rapport quantitatif annuel reprenant les principales statistiques liées aux féminicides à savoir : les caractéristiques des victimes, des auteurs et de la relation entre la victime et l’auteur.
- Un rapport qualitatif mettant en évidence leur fréquence, les taux de condamnation, l’efficacité des mesures prises pour mettre en œuvre la Convention d’Istanbul.
La loi, qui ne figure pas dans le code pénal belge, encadre également la prévention du féminicide avec une meilleure prise en charge des victimes de violences de genre et des formations pour la police. Le but : aider à mieux identifier les violences qui précèdent les féminicides et mieux protéger les victimes.
Pour rappel, 24 féminicides ont été recensés en 2022 en Belgique.
Le Luxembourg pointé du doigt
Le Luxembourg va-t-il suivre la Belgique en légiférant à son tour sur le féminicide ? Pour l’instant, rien n’est moins sûr.
En réponse à cette question, le Ministère de l’Égalité entre les femmes et les hommes explique que « les féminicides ne sont pas répertoriés en tant que tels au Luxembourg, alors qu’il n’existe pas d’infraction autonome de féminicide dans la législation luxembourgeoise ».
Le meurtre et l’assassinat étant puni de la peine maximale de réclusion à vie, « sans égard au genre de la victime », l’introduction d’une infraction de féminicide « n’aurait ainsi pas de portée juridique, en particulier sur la peine », poursuit le ministère. Il rappelle que depuis la loi du 28 mars 2023, qui complète le Code pénal, « les juridictions peuvent retenir qu’une personne a été tuée en raison de son sexe et en faire une circonstance aggravante ».
Mais aucun chiffre ne permet clairement de démontrer qu’au Luxembourg, les femmes sont tuées parce qu’elles sont des femmes. Pourtant, la police Grand-Ducale répertorie le nombre de meurtres et de tentatives de meurtres commis dans un contexte de violences conjugales.
Si les signalements pour violences conjugales ont été nombreux en 2022, les chiffres de l’Observatoire de l’Egalité, révèlent que trois meurtres ont été commis dans ce contexte : ceux d’une femme et de deux hommes.
Comment légiférer sur le féminicide si la notion même n’existe pas ? Selon Anik Raskin, chargée de direction du Conseil national des femmes du Luxembourg (CNFL), le pays « doit faire de gros efforts pour perfectionner son système de protection des femmes et sur de nombreux points ». Elle rappelle par ailleurs que le délai de prescription en matière de viols est de « 10 ans seulement » au Luxembourg et que les « premières condamnations pour viol sont en première intention des peines avec sursis ».
Le CNFL, qui milite depuis des années « pour que la logique soit inversée et que le sursis soit prononcé au cas par cas, et pas de façon systématique », espère que le prochain gouvernement prendra véritablement la question de la violence faite aux femmes au sérieux. « Et que l’on cesse de nous dire que nous avons raison sans travailler à nous approcher de ce que la Convention d’Istanbul exige », dit-elle.
- l’absence de prise en compte de la dimension de genre dans les politiques et les mesures de lutte contre la violence et la violence domestique
- le manque de sensibilisation de nombreux professionnels et professionnelles à cette dimension de genre, y compris pour ce qui est de la violence domestique,
- l’absence d’une ligne nationale d’écoute spécialisée pour les femmes victimes de toutes les formes de violences, accessible 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, et gérée par du personnel formé sur ces questions en collaboration avec les associations,
- le manque de services spécialisés et de protocoles communs à tous les services hospitaliers à l’attention des femmes victimes de violence sexuelle et de viols qui offriraient des conseils, un soutien médical et psychologique, des examens médico-légaux, et la conservation des preuves.
- un manque de régulation pour limiter les droits parentaux de l’auteur de violence dans les contextes de violence domestique
- le manque de formation spécifique parmi les magistrats et magistrates sur l’impact néfaste de la violence domestique sur les enfants qui y sont exposés, et sur l’emprise et la domination qu’induit l’exercice conjoint de la parentalité sur la femme et les enfants.
- 113 : Police luxembourgeoise, 24 h/7 j
- 2060 1060 : Helpline sur les violences domestique (7j/7, de 12h à 20h)
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