Les chauffeurs routiers, grands oubliés de l’accord-cadre ?
Publié
par
Sarah G. Melis
le 07/07/2023 à 12:07
Au Luxembourg, le secteur du transport compte plus de 10.000 travailleurs, dont plus de la moitié sont des frontaliers. Autant de personnes à qui le télétravail ne profite pas, et qui voient pourtant quotidiennement leur affiliation à la sécurité sociale luxembourgeoise menacée. Une situation que le LCGB (1er syndicat dans le secteur du transport au Luxembourg) dénonce fermement.
Comment expliquer que les salariés d’entreprises de transport luxembourgeoises, amenés à effectuer des trajets quotidiens vers leur pays de résidence aux frontières, soient considérés, de fait, comme des télétravailleurs ? Ce non-sens, Paul Glouchitski, porte-parole du LCGB l’explique par un « vide juridique » qui porte préjudice aux transporteurs et ce, « malgré les investissements faits par le gouvernement dans ce secteur depuis plus de 20 ans ».
Un « vide juridique » préjudiciable
Paul Glouchitski rappelle ce qui devrait su être une évidence : « Jusqu’à preuve du contraire, un chauffeur routier ne peut pas télétravailler, tout comme il n’est pas possible pour un transporteur international de rester à l’intérieur des frontières du Luxembourg ».
Il se souvient en outre qu’en 2021, cette disposition avait conduit à une « désaffiliation massive » des chauffeurs professionnels de la sécurité sociale luxembourgeoise, conduisant à des manifestations dans le pays. « Le LCGB avait dû intervenir auprès du Ministère de la Sécurité Sociale, pour que la situation soit débloquée », dit-il.
Si en mars 2022, l’ancien ministre Etienne Schneider avait assuré que le gouvernement travaillerait sur des accords bilatéraux transfrontaliers, « rien d’efficace n’a été fait en ce sens par son successeur ». Le LCGB réclame aujourd’hui que « cette parole soit tenue et que l’article 16 du règlement européen 883/2004 soit respecté ».
En clair, que l’affiliation à la sécurité sociale luxembourgeoise des salariés du secteur soit encadrée par la loi, les faisant bénéficier d’une dérogation qui prenne en compte les impératifs du métier.
Le bilan d’une réunion du LCGB en date du 5 juillet révèle une problématique plus profonde, inquiétante pour les professionnels du secteur. « Il semblerait que les pays voisins refusent catégoriquement d’entendre parler d’une telle mesure, sauf peut-être pour les conducteurs de bus transfrontaliers ». Une réponse insuffisante pour le LCGB qui questionne le ministère sur sa compétence à gérer un tel dossier.
« Si les pays voisins ont peur du dumping social, il paraît évident qu’il faut tout simplement légiférer pour les travailleurs de la Grande Région, et pas en dehors », s’agace Paul Glouchitski.
Éviter une perte d’attractivité
Aujourd’hui, pour éviter la désaffiliation de leurs salariés, les entreprises font de la gymnastique logistiques. Les belges ne sont pas envoyés en Belgique, les français pas en France, et les allemands… pas en Allemagne. « C’est un véritable casse-tête organisationnel imposé aux entreprises », explique le porte-parole.
Résultat, progressivement, le secteur perd en attractivité au Luxembourg malgré les investissements colossaux du gouvernement. « Aujourd’hui, c’est le flou total. Mais bientôt, les frontaliers ne voudront plus exercer ce métier au Luxembourg », assure Paul Glouchitski.
Si ces derniers paient des cotisations plus élevées dans leurs pays respectifs, « ce sera un trop gros manque à gagner pour eux », et une perte colossale pour l’activité économique du secteur au Grand Duché. « Il faut agir vite », conclut-il.
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